1875 1955
Penseur autant que romancier, humaniste et cIassique, Thomas Mann préserva la dimension universelle de son oeuvre en s'exilant de son pays pour protester contre le nazisme.
Le frère ainé de Thomas Mann, Heinrich Mann, est également un grand écrivain : sa trilogie "L'Empire" (1918-1925) est mondialement célèbre. Thomas Mann était un ami intime d'Albert Einstein.
Les années d'apprentissage
Thomas Mann est né le 6 juin 1875 à Lübeck d'un père sénateur et d'une mère appartenant à la plus haute bourgeoisie allemande. Dès 1893, à l'âge de dix-huit ans, il fait ses débuts littéraires en participant à des revues étudiantes très en vogue à cette époque : Der Frühlingsturm (La Tempête de printemps) et Das Zwanzigste Jahrhundert (Le Vingtième Siècle). En 1894,il se rend à Munich pour poursuivre ses études. Il se familiarise avec les pensées de Schopenhauer et Nietzsche, découvre les théories freudiennes naissantes, puis étudie les œuvres littéraires de Goethe, Schiller, Lessing, Dostoïevski, Tcheckhov, Fontane ainsi que la musique de Richard Wagner. Tous seront pour lui des modèles et il leur consacrera plus tard de nombreux articles.Puis il fait un long voyage en Italie jusqu'en 1898. C'est dans ce pays qu'il imagine et conçoit le plan de ce qui deviendra son premier roman : "Les Buddenbrook". Mais cet ouvrage colossal ne sera terminé que quatre années plus tard, en 1901, date à laquelle il le publie en deux tomes chez le célèbre éditeur allemand Fischer. En 1903, le génie créatif de Mann atteint des sommets puiqu'il rédige trois textes importants : Tristan, Tonio Kröger, et Chez le Prophète.
De la gloire...
Le romancier se marie en 1905 avec Katharina Pingsheim qui lui donnera trois filles et trois garçons ( dont deux, Klaus et Golo, deviendront, après leur père, de grands écrivains allemands ). Commence alors pour lui une longue période de créativité et de célébrité. La publication de "Noces royales" en 1909,mais surtout celle de "La Mort à Venise" en 1912, livre pour lequel Mann s'est inspiré de l'existence tragique de son ami, le compositeur Gustav Mahler, font de lui un écrivain d' envergure internationale : il est bientôt fêté à Paris, à Londres et à New-York, et considéré comme l' auteur le plus doué de sa génération. Cette popularité se trouve renforcée en 1924, lorsqu'il publie "La Montagne magique", un important roman, et reçoit le Prix Nobel de littérature, le 12 novembre 1928. Dès cette date, Mann sillone le monde, réclamé en Europe mais aussi en Amérique : il se rend régulièrement dans les grandes capitales pour donner de multiples conférences sur son oeuvre mais aussi sur son temps. Cette activité ne l'empêche pas, toutefois, de publier un nouveau récit en 1930, "Mario le Magicien".
... l'éxil
C' est pendant un séjour à Paris que Mann apprend l'incendie du Reichstag. S'étant montré hostile à la politique nationale-socialiste, il ne peut retourner dans son pays. C'est alors que commence pour lui une longue période d'exil. En 1934, il s'installe en France où il écrit "Le Jeune Joseph", puis il voyage aux États-Unis. En 1936, il publie "Joseph en Égypte", sorte d'allégorie de son propre exil, et prend la nationalité tchèque. En 1938, il quitte l'Europe pour quinze ans et devient professeur de littérature aux États-Unis, à l'université de Princeton. En 1940, il donne cinquante-cinq allocutions radiophoniques en Californie, s'adressant à ses compatriotes allemands alors en guerre. Malgré cette situation dramatique, l'élan créateur de Mann n'est en rien modifié puisqu'il publie en 1943 une suite à ses trois récits précédents consacrés au personnage biblique de Joseph, formant ainsi une véritable tétralogie romanesque, "Joseph et ses frères".
De I'exil à la mort
En 1944, Mann obtient la nationalité américaine. Après I'effondrement de l' Allemagne,l'écrivain désire poursuivre son exil, décision qu'il explique dans un opuscule, "Pourquoi je ne retourne pas en Allemagne". Dès lors, il se consacre presque entièrement à son oeuvre et rédige un ouvrage sur Dostoïevski, puis un livre intitulé "Le Docteur Faustus" qui reprend le mythe de Faust développé par Goethe. Les années 1949-50 sont un tournant dans la vie de Mann qui perd coup sur coup l'un de ses fils, son frère Victor et son frère Heinrich. En 1952, il quitte les États-Unis pour la Suisse et est fait Officier de la Légion d'honneur en France, membre de l' Académie des Arts de Berlin et docteur Honoris Causa dans de nombreuses universités européennes ; après avoir écrit un "Essai sur Tchékov" et un "Essai sur Schiller" ainsi qu'un dernier roman, "Les Confessions du chevalier d'industrie Félix Krullen" 1954,Thomas Mann fait un dernier voyage en Allemagne où il s'éteint le 12 août 1955.
Des romans-fleuves
Thomas Mann a laissé derrière lui une oeuvre immense : en un style très personnel, parfois jugé difficile, iI a voulu retracer I'histoire exceptionnelle de son pays sous la forme d'une épopée économique et sociale. "Les Buddenbrook", par exemple, raconte I'ascension et de la décadence d'une famille de riches commerçants allemands. Dans ce récit fictif, Thomas Mann annonce, avec trente ans d'avance, la crise profonde qu'aIlait traverser l' Allemagne et à la suite de laquelle le nazisme allait pouvoir devenir populaire et ferait basculer le pays dans un gouffre plus sombre encore. En ce sens, les romans de Thomas Mann sont l' oeuvre d'un visionnaire, dont la lucidité reste sans précédent dans la littérature aIlemande.