La mort et l'oubli, aboutissement d'une passion qui semblait indéfectible.
Le titre "Albertine disparue" n'est probablement pas de Proust. Celui-ci voulait intituler son roman "La Fugitive" ; il y a renoncé pour éviter une confusion avec un livre de l'écrivain indien Radindrana Thagore*, dont la traduction française venait de paraître (1922). Il s'agit d'une publication posthume (1925).
* http://fr.wikipedia.org/wiki/Rab%C3%AEndran%C3%A2th_Tagore
L'oeuvre du temps
Le départ d'Albertine plonge Marcel dans le désarroi et rallume soudain un amour qu'il croyait sur le point de s'éteindre. Il met en oeuvre divers stratagèmes pour la convaincre de revenir, faisant notamment intervenir son ami Saint-Loup, et envisage même de l'épouser. C'est alors qu'il apprend la mort accidentelle d'Albertine. La douleur qu'il en éprouve fait revivre les soupçons qui pesait sur son passé et il se décide à faire enquêter à son sujet. Il obtient ainsi la confirmation des moeurs lesbiennes, ce qui est, pour lui, une nouvelle source de souffrance.
Jalousie posthume
Chez Proust, l'amour est toujours inséparable de la jalousie et de la souffrance qui en découle. La mort n'y met pas un terme, au contraire, elle lui redonne une nouvelle impulsion, car <<pour la jalousie il n'est ni passé ni avenir et (...) ce qu'elle imagine est toujours le Présent>>. Les trahisons d'Albertine, réelles ou supposées, lui confèrent une sorte de vie posthume, et, par là même, perpétuent les tourments du narrateur. Privé de son souffre-douleur, celui-ci se retrouve face à ses angoisses. Tout le passé réapparaît dans ses moindre détails, les souvenirs affluent dans son esprit, mêlés de remords, de regrets de n'avoir su gagner sa confiance, de n'avoir pu obtenir des aveux qui l'auraient soulagé.
Il est vraisemblable que ce masochisme psychologique reflète un sentiment de culpabilité inavoué. On a souvent fait remarquer que la passion du narrateur pour Albertine était une transposition de l'attachement de l'auteur pour Agostinelli* - également victime d'un accident mortel -, relation condamnable aux yeux de la société et injure à la mémoire de la mère disparue.
* http://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Agostinelli