La demi mondaine Marguerite fait preuve de dévouement en abandonnant l'homme qu'elle aime, Armand, afin de sauver la réputation de celui-ci.
Alexandre Dumas fils s'est inspiré d'une liaison qu'il a eu avec une courtisane célèbre de son époque. Pourtant, sa propre histoire ressemble peu à celle qu'il raconte ; seule la maladie incurable dont est morte sa maîtresse rapproche celle-ci de Marguerite.
L'amour par le sacrifice
Armand Duval déclare à Marguerite Gautier, demi-mondaine, son amour qui dure en secret depuis deux ans déjà. Marguerite vit de rentes confortables qui lui viennent de ses amants ; Armand, lui, n'a que peu de fortune propre. Elle s'éprend du jeune homme et ils vivent leur amour passionnément. Sur les instances d'Armand, l'héroïne se décide à abandonner ses amants. Lors d'un séjour à la campagne, M. Duval père apparaît pour sommer Marguerite de cesser sa relation avec Armand ; il craint, en effet, que la demi-mondaine entache la réputation de la famille. Elle accepte de se sacrifier, tout en convainquant son interlocuteur de son amour et de son désintéressement financier à l'égard d'Armand. Elle l'abandonne donc en lui faisant croire qu'elle aime un autre homme, et elle réussit presque à se faire haïr jusqu'au jour où il réapparaît pour se battre en duel avec l'amant de Marguerite. Peu de temps après, Armand se présente chez Marguerite, mourante, après avoir appris de son père toute la vérité. Il assiste ainsi aux derniers moments de sa maîtresse.
Marguerite ou la noblesse d'âme
C'est pour de nombreuses raisons que la sympathie du lecteur se porte sur le personnage de Marguerite Gautier. En effet, cette femme, atteinte d'une maladie incurable, sacrifie son dernier bonheur, l'amour de son amant, sur l'autel de la respectabilité sociale. Elle qui, avant de rencontrer Armand Duval, jouissait d'une situation financière confortable, vend jusqu'à ses dernières possessions pour pouvoir vivre sans contraintes une histoire d'amour condamnée à l'échec.
Elle accepte même de paraître odieuse aux yeux de son amant pour qu'il ait moins de souffrance à la voir s'en aller. Ses derniers instants de félicité, alors qu'elle se meurt, ne peuvent pas faire oublier qu'elle n'a récolté, en récompense de son abnégation, que la solitude, le dénuement et la tristesse.
A la lecture de "La Dame aux camélias", on ne saurait s'empêcher de ressentir un certain trouble face à la mentalité de la bourgeoisie bien pensante dans la France du XIX ème siècle. Romantique et presque caricaturale, la courtisane incarne la femme <<chargée de tous les péchés>>, comme l'a souligné Gaëtan Picon.
Marie Duplessis Rose Alphonsine Plessis dite Marie Duplessis, comtesse de Perrégaux, ayant inspiré à Alexandre Dumas fils le personnage de Marguerite Gautier.
Extraits
Rencontre de Marguerite et d'Armand
ARMAND : - Depuis deux ans, depuis un jour, où je vous ai vu passer devant moi, belle, fière, souriante. Depuis ce jour, j'ai suivi de loin et silencieusement votre existence.
MARGUERITE : - Comment se fait-il que vous me disiez cela qu'aujourd'hui ?
ARMAND : - Je ne vous connaissais pas, Marguerite.
MARGUERITE : - Il fallait faire connaissance. Pourquoi, lorsque j'ai été malade et que êtes si assidûment venu savoir de mes nouvelles, pourquoi n'avez vous pas monté ici ?
ARMAND : - De quel droit aurais-je monté chez vous ?
MARGUERITE : - Est-ce qu'on se gêne avec une femme comme moi ?
ARMAND : - On se gêne avec une femme... Et puis...
MARGUERITE : - Et puis ... ?
ARMAND : - J'avais peur de l'influence que vous pouviez prendre sur ma vie.
MARGUERITE : - Ainsi vous êtes amoureux de moi !
ARMAND, la regardant et la voyant rire : - Si je dois vous le dire ce n'est pas aujourd'hui.
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Le sacrifice de Marguerite
MARGUERITE : - Vous voulez que je quitte Armand tout à fait ?
M. DUVAL : - Il le faut !
MARGUERITE : - Jamais ! ... Vous ne savez donc pas que je n'ai ni amis, ni parents, ni famille ; qu'en me pardonnant il m'a juré d'être tout cela pour moi, et que j'ai enfermé ma vie dans la sienne ? Vous ne savez donc pas enfin, que je suis atteinte d'une maladie mortelle, que je n'ai que quelques années à vivre ? Quitter Armand, monsieur; autant me tuer tout de suite.
M. DUVAL : - Voyons, voyons, du calme et n' exagérons rien ... Vous êtes jeune, vous êtes belle, et vous prenez pour une maladie la fatigue d'une vie un peu agitée ; vous ne mourrez certainement pas avant l'âge où l'on est heureux de mourir. Je vous demande un sacrifice énorme, je le sais, mais que vous êtes fatalement forcée de me faire. Écoutez-moi ; vous connaissez Armand depuis trois mois, et vous l'aimez ! mais un amour si jeune a-t-il le droit de briser tout un avenir ? et c'est tout l'avenir de mon fils que vous brisez en restant avec lui ! Etes-vous sûre de l'éternité de cet amour ? Et si tout à coup, - trop tard, - vous alliez vous apercevoir que vous n'aimez pas mon fils, si vous alliez en aimer un autre ? Pardon Marguerite, mais, le passé donne droit à ces suppositions.