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12 décembre 2009 6 12 /12 /décembre /2009 15:40


1809  -  1852

Poète et dramaturge de génie, Gogol, ce névropathe mystique, devient, après la mort de Pouchkine, le plus grand écrivain de sa génération.

gogol0001.jpgMalgré la censure du tsar, les écrits de Gogol conservaient une puissance redoutable. Nicolas Ier, qui ne mesura pas au début leur caractère explosif, se rattrapa à la mort de l'écrivain en suspendant la publication de ses oeuvres complètes et en interdisant tout écrit nécrologique. Tourgueniev, fut exilé pour l'avoir encensé.

Les années dffficiles

Nicolas Gogol
naît le 20 mars 1809 en Ukraine, dans une famille de petits propriétaires fonciers. Ayant légué sa part d'héritage à sa mère, il va connaître l'indigence. et l'incertitude. Après des études médiocres qui le destinaient au fonctionnariat, il part pour Saint-Pétersbourg. Il essaie de vivre de son art sous le pseudonyme d'Alov et publie un poème sentimental : "Hans Küchelgarten". Meurtri par un échec cuisant, il tente de devenir acteur, mais échoue une nouvelle fois. Il se voit alors contraint d'accepter un poste de fonctionnaire, où il apprend à connaître l' ennui et le caractère aliénant de la routine bureaucratique. C'est grâce à Pouchkine, qui s'enthousiasma pour le jeune auteur après la parution des "Veillées du hameau près de Dikanka", que Gogol pourra mettre un terme à ces années d'échecs. Avec le soutien de Pouchkine, Gogol accède aux milieux littéraires.


Une oeuvre littéraire et sociale

Avec "Les Veillées du hameau", et surtout après la parution des "Nouvelles de Saint-Pétersbourg", Gogol suscite un grand engouement, notamment chez les jeunes lecteurs. On le lit avec passion. Son humour, la force et la simplicité de sa langue et de ses sujets constituent une véritable révolution. Il dépeint, à l'inverse de Pouchkine, le Pétersbourg des petits fonctionnaires et des bas quartiers avec un réalisme qui souligne le grotesque et la banalité de la vie russe, s'attaquant à la corruption et, au-delà, au régime tsariste lui-même. Passionné de théâtre dès son enfance, Gogol, que son visage expressif semblait destiner à la comédie, s'avise, après son échec en tant qu'acteur, d'écrire des pièces lui-même plutôt que de jouer http://ecx.images-amazon.com/images/I/41E32RN10KL._SL500_AA240_.jpgcelles des autres. Bien qu'il n'ait achevé que trois comédies, il est considéré comme l'un des plus grands dramaturges russes pour avoir écrit "Le Revizor"  chef-d' oeuvre satirique qui échappa en partie à la censure grâce à sa forme vaudevillesque, et qui, tant par la polémique qu'il suscita que par sa portée, fut comparé au "Mariage de Figaro".  C'est "Les Âmes mortes", oeuvre capitale, qui marque l'apothéose de son génie. Il y travaille pendant dix-sept ans et détruit malheureusement les deniers chapitres au cours d'une crise de démence. Ce texte féroce,où l'on ne rencontre qu'êtres vils et caricatures vivantes, est une sorte de projection de la vie intérieure de Gogol, tant par le caractère de ses héros que par leur destin. Pouchkine, à qui Gogol lut les premiers chapitres du roman - que l' auteur voulait pourtant de la même veine comique que ses oeuvres antérieures - s'écria : <<Que notre Russie est triste ! >>

Le voyageur hypocondriaque

Le désir d' échapper aux déchirements civiques de son pays le pousse à s'expatrier. Il voyage beaucoup. En Suisse tout d'abord, puis à Paris, ville qui l'exaspère par son engagement politique. Il apprécie cependant le Louvre le Jardin des Plantes, ainsi que les théâtres, qu'il fréquente assidûment. Malgré cela, il ne rêve que de l'Italie et de Rome, dont il loue l' âme religieuse et mystique. Au cours de ses voyages, il apprend la mort de Pouchkine, son maître et grand ami. Il ne s' en remettra pas : <<Tout le charme de ma vie est parti avec lui >>, dira-t-il. A partir de ce moment, il peine à écrire. Hypocondriaque, il ne cesse de se plaindre d'une maladie hémorroïdaire. Arrivé à Vienne, il se remet au travail et compose "Le Manteau". Ce récit poignant d'un petit fonctionnaire qui meurt suite au vol de son manteau sera un succès : <<Nous sommes tous sortis du Manteau de Gogol >>, déclarera Dostoïevski. A trente-deux ans, c'est un vieillard qui voyage de cure thermale en cure thermale pour soigner ses maladies imaginaires : Baden, Marienbad, Francfort, Hambourg, Dresde... Aucune eau ne l' apaise. Il maigrit de jour en jour et ne se sent soulagé que quand il est sur la route. En outre, il commence à  être envahi par un mysticisme maladif qui ne le quittera qu'à la mort, qui sabote son génie créatif et le pousse à écrire des ouvrages liturgiques insipides.

Du poète au mystique

Qui lit le Gogol des "Nouvelles de Saint-Pétersbourg" ou des "Nouvelles ukrainiennes" ne peut imaginer le fervent mystique qui se cache derrière ce névropathe génial. Ce Gogol inconnu nous est révélé par sa correspondance, qui comprend quatre volumes publiés sous le titre : "Morceaux choisis d'une correspondance avec des amis". Ces écrits se composent de réflexions sur la Russie, sur la poésie lyrique, mais ils comprennent aussi quelques lettres  dans lesquelles l'écrivain s'excuse des scandales qu'il a provoqués, du tort qu'il a causé à ses compatriotes en les caricaturant, les invitant à le suivre sur le chemin du Seigneur. Par moments, son mysticisme est proche de la folie, il se considère comme inspiré directement par Dieu. Au début de l'année 1848, il entreprend le pèlerinage à Jérusalem, dont il rêve depuis longtemps. Parti de Naples, il se rend à Malte, Beyrouth, puis arrive dans la Ville sainte. Subjugué, il y fait ses dévotions et communie sur le tombeau du Sauveur. Certains jours, il jeûne tel un moine ou se prive de sommeil pour plaire à Dieu. En janvier 1852, son état s'aggrave. Le 18 février, souffrant d'une gastro-entérite due aux jeûnes, il reçoit l'extrême-onction. Il  meurt le 21 février.

Notes :

" Il n'est pas de Russe dont le coeur ne saigne pas en cet instant. Pour nous, Gogol était plus qu'un écrivain : il nous a révélés à nous-mêmes. Sous bien des rapports, il continuait à nos yeux Pierre le Grand."

Tourgueniev,Discours pour la mort de Gogol. 

  "Le plus gai des grands classiques russes est un martyr de la foi. A trente trois ans, ayant publié, à très peu de choses près, tout ce qui fonde pour le présent et pour l' avenir sa gloire littéraire, Gogol est le Molière des lettres russes. Cinq ans plus tard, il en devient, dira Tolstoï, le Pascal, mais un Pascal qui n'éveillera d'échos amis qu'après sa mort, et dont la conversion ne lui vaut guère, de son vivant, qu'incompréhension et sarcasmes. D'un bout à l'autre de sa carrière il s' est senti, jusque dans le succès, incompris ou mal compris. Et la route qui l'a mené de l' humour à la méditation religieuse, de la satire à l'apostolat moralisateur, s'achèvera dans une longue crise de doute qui condamne son oeuvre maîtresse au naufrage, et lui-même à une mort poignante où il y a plus qu'un renoncement, un demi-suicide. (...)
  Il n'est pas de schéma statique qui explique Gogol. Son esprit a été en constant travail, son âme en perpétuelle marche, et c'est seulement dans son devenir, à la lumière de sa biographie, et en particulier de l' abondante correspondance privée qui nous a été conservée qu'on peut espérer comprendre l'unité et les disparités de son oeuvre. "

-Gustave Aucouturier,  préface des oeuvres complètes de Nicolas Gogol, Gallimard, 1985

 

 

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12 décembre 2009 6 12 /12 /décembre /2009 13:03


Un jeune aristocrate dédaigne l'amour que lui offre une jeune femme pour s'éprendre d'elle quand il est trop tard.

    Adamo DIDUR dans
      Eugène Onéguine


250px-Adamo_Didur_in_Eugene_Onegin.jpg
Dans ce roman en vers publié en 1833, la narration, entrecoupée de digressions, de parodies et d'effusions lyriques  bouscule les règles du roman  traditionnel. Tchaïkovski a d'autre part repris l'argument du roman en 1879 dans son opéra "Eugène Onéguine".

Ironie du destin

Eugène Onéguine, jeune aristocrate russe désoeuvré, traîne son ennui de fêtes moscovites en lectures disparates et en rêves de voyage. L'héritage d'un oncle l'amène à vivre à la campagne où il se lie d'amitié avec un jeune poète <<shillérien >>, Lenski, passionnément épris d'Olga. La soeur de cette dernière, Tatiana, déclare dans une lettre son amour à Onéguine, qui la repousse. A la suite d'un malentendu né de la jalousie, Lenski et Onéguine se battent en duel. Lenski est tué. Cet épisode dramatique (qui constitue une tragique coïncidence avec la propre mort de Pouchkine) est pressenti en rêve par Tatiana. Onéguine se met à voyager, tandis qu'Olga oublie très vite Lenski et que Tatiana, toujours amoureuse d'Onéguine, se marie cependant avec un général moscovite. De retour à Moscou, le héros retrouve l'amante dédaignée jadis et s'éprend d'elle, mais elle se refuse à lui par fidélité à son mari.

Un  <<Je >>  omniprésent

Dès le début de son roman, Pouchkine déroute le lecteur par un fragment de texte apparemment étranger à la narration et dont le sens ne s'éclaircira qu'à la fin du premier chapitre. Le narrateur se fera ainsi entendre tout au long de son oeuvre par des commentaires sur le récit qu'il est en train de faire, sur son style, et sur l'attente du lecteur. Le rôle des trois personnages principaux acquiert ainsi un autre sens sous l' éclairage du projet déconstructionniste et autobiographique qui gouverne tour à tour le récit : Onéguine représenterait dans cette optique le dandy épris des plaisirs et des nouveaux ouvrages, double de Pouchkine ; la parodie du langage ampoulé et rhétorique de Lenski, ainsi que le fait qu'il soit tué dans l'histoire, règlent son compte à ce type de littérature ; Tatiana enfin, personnage que le narrateur semble affectionner particulièrement, parle certes le langage des romans par lettres du XVIII ème siècle, mais est aussi ouverte au langage du rêve, de l'inconscient et des contes populaires, désignés ainsi comme source authentique d'inspiration.

Extraits

Des échos voilés de l'opposition de Pouchkine au pouvoir en place se font sentir dans le roman dans les références faites à Ovide, poète exilé de Rome pour son opposition politique, et par les allusions de la dernière strophe aux amis décembristes exécutés sur l'ordre du tsar.


Le rêve de Tatiana
Le monde des légendes et des fantasmes
Tatiana tente de s'échapper
Mais pas moyen, les choses se gâtent,
Elle cherche, elle voudrait bien crier
Eh non : Eugène ouvre la porte
Et des visions d' enfer en sortent.
Tania paraît, et tous de rire
Un rire sauvage et encore pire,
Des yeux de vieilles concupiscentes,
Des queues, des cornes, des sabots,
Des mains velues, des langues sanglantes,
Des doigts osseux, des barbes, des crocs,
Et tous ensemble ils la désignent
Et chacun crie : <<Elle est à moi >>.

Épanchement lyrique du poète

Triste m' est ton apparition,
Printemps, printemps ! D'aimer c'est l'heure !
Et quelle languide agitation
Court dans mon sang, court dans mon coeur !
Avec quel morne attendrissement,
Je jouis du souffle ondoyant,
Du doux printemps sur ma figure,
Au sein de la calme nature !
La jouissance m'est-elle étrangère ?
Et tout ce qui plaît et qui vit,
Tout ce qui brille, qui ravit,
Entraînerait tristesse amère
Dans cette âme morte depuis longtemps,
Et tout lui serait accablant ?

***
Parodie de rhétorique classique
Pour sa conquête, félicitons
Notre charmante Tatiana,
Mais j'oublierai qui nous chantons
Si je ne porte ailleurs mes pas.
Au fait, lecteur, je vous le dis
Je chante ici un jeune ami
Et ses facéties nombreuses.
Bénis ma tâche laborieuse
O toi, Muse de l'épopée
Mets-moi un bâton sûr en main
Pour queje suive le droit chemin.
Mais ça suffit.Bas le fardeau !
Le classicisme j' ai honoré,
Bien tard, mais le prologue est fait.


Notes :


<<Pouchkine fut un narrateur n'hésitant pas à rompre avec la littérature d'évasion et le romantisme pour donner leur vrai nom aux choses, ce qui, à l' époque, choqua énormément ses contemporains. >>

- Serge Radine, <<Pouchkine, poète du peuple russe >>,La Suisse Contemporaine, N°7, juillet 1946

<<Ces enjambées ébranlaient la hiérarchie des genres, causaient des avalanches et des glissements de terrain du genre d' Eugène Onéguine, roman en vers qui finit par s'ébouler en anti-roman digne du Tristram Shandy de Steme.
Envisagé comme un personnage relativement cohérent  (encore qu'il ne le soit pas réellement), vu à distance, en tant que type littéraire, Onéguine ne ressemble pas à Pouchkine - qu' est-ce que celui-ci pourrait avoir en commun avec un homme chez qui on ne trouve pas une once de poésie ? - alors que les traits particuliers et les menus détails coïncident à tel point qu' on croirait que l'auteur s'est regardé dans une glace et a transposé trait pour trait son esprit superficiel, son snobisme, sa paresse, son incroyance, l' attention portée à ses ongles, etc. >>

- Serge Radine, Abraham Tertz, André Siniavski, Promenades avec Pouchkine, Seuil, 1976

<<Le roman de Pouchkine est une autocritique du langage littéraire de son temps, rendue possible en éclairant les unes par les autres toutes les principales variantes des tendances, des genres et des coutumes. >>

- Mikhail Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Gallimard, 1978

 

 

 

 



 

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11 décembre 2009 5 11 /12 /décembre /2009 12:36


Deux imposteurs luttent sans merci pour conquérir le pouvoir en Russie au début du XVII ème siècle.


"Boris Godounov", pièce de théâtre parue en 1831, est une quête des origines de la société russe puisque le sujet de la pièce est emprunté aux XVI ème - XVll ème  siècles, époque où la Russie de Pouchkine s'organise politiquement et sociologiquement, mais peut être lue aussi comme une fable sur la parole et sa force de séduction. Par ailleurs, l'opéra  (écrit entre 1868 et 1874) que le compositeur Moussorgski à tiré de la pièce constitue l'un  des chefs-d'oeuvre du répertoire lyrique du XIX ème siècle.


Luttes de pouvoir

Boris Godounov, fils d'esclave et régent sous le règne du tsar Féodor, est proclamé tsar à la mort de ce dernier. Pour cela, il a fait exécuter le fils légitime du tsar Ivan, Dmitri, qui aurait dû régner à la mort de Féodor. Un moine ambitieux, Grigori Otrepiev, se fait passer pour Dmitri. Il trouve des appuis en Lituanie et en Pologne, où il s'est réfugié, et lève une armée composée de Russes mécontents du pouvoir en place ainsi que de Polonais. Il marche à la tête de cette armée sur Moscou. D'abord vainqueur, il est finalement  battu par Godounov, mais celui-ci meurt, et le peuple ne soutient qu'un instant son fils Féodor  pour se tourner vers le faux Dmitri. Les enfants et la femme de Godounov sont tués dans leur cellule.

Le pouvoir de la parole ou celui des armes ?

Boris Godounov présente deux destins parallèles, celui de deux imposteurs, puisque ni Godounov, fils de serf, ni Otrepiev, se faisant passer pour le fils du tsar, n'ont de légitimité du sang  pour gouverner. Le destin d'Otrepiev jaillit en quelque sorte de la littérature, puisque l'idée de l'imposture lui vient lors des lectures faites par son maître, le moine Pimène, des chroniques que celui-ci écrit sur son temps et dont il charge Otrepiev de poursuivre l'écriture. Celui-ci décide alors d'écrire lui-même son histoire, et pousse les gens qui l'entourent à la croire. Ceux-ci ne sont pas toujours dupes, mais le charme de la parole et du mythe qu' elle véhicule les envoûte, outre
l' occasion que certains voient de tirer un avantage personnel d'un nouveau pouvoir. Godounov, par contre, illettré et superstitieux, assied son pouvoir par la force et le meurtre, et ce meurtre finit par causer sa mort. Le sang de sa victime, dont l'image l'a obsédé tout au long du drame et qu'il a cherché à ensevelir dans sa mémoire finit par rejaillir au sens propre et provoquer sa mort (<<il est tombé, le sang lui a jailli des oreilles, de la bouche>>).
Ces deux personnages sont en représentation devant un public se trouvant à l'intérieur même de la pièce, le peuple de Moscou, dont les interventions prosaïques font relâcher la tension du drame.



Extraits :

Le peuple face au pouvoir : pathos et dérision

LE PEUPLE,, à genoux. Pleurs et clameurs.

Ah ! pitié, notre père ! Règne sur nous ! Sois notre père, notre tsar !

UN HOMME, à voix basse.
A propos de quoi pleure-t-on, là-bas ?

UN AUTRE.
Et comment le saurions-nous ? Ce sont les boyards qui le savent. Eux et nous, ça fait deux.

LA BABA, avec son enfant.
Eh bien ! alors ? C' est quand il faut pleurer que tu te calmes !
Je m'en vais te... Voilà le loup-garou ! Pleure donc, enfant gâté ! (elle le laisse tomber par terre. L' enfant piaule). Eh bien !
A la bonne heure!

UN HOMME.
Ils pleurent tous. Frères, pleurons nous aussi.

UN AUTRE.
Je fais tout mon possible, frère, mais je ne peux pas.

LE PREMIER.
Moi non plus. N'as tu pas un oignon ? Frottons-nous-en les yeux.

                 ***
Le destin d'Otrepiev se prépare

GRlGORI.
Quel âge aurait le tsarévitch assassiné ?

PIMENE
Il avait bien sept ans ; il aurait aujourd'hui... - Dix ans déjà ont
passé depuis lors... non, plus, douze ans, il serait de ton âge et
régnerait. Mais Dieu en a disposé autrement.
C' est par ce récit déplorable que je vais finir ma chronique. Je
n' ai guère cherché depuis lors à démêler les choses de ce monde.

Frère Grigori, tu as éclairé ton esprit en apprenant à lire et à écrire, c'est à toi que je
transmets mon æuvre. Aux heures que tes devoirs spirituels laissent libres, décris, sans
commentaire orgueilleux ou subtil, tous les événements dont tu seras témoin, gouvernement
des tsars, guerre et paix, prophéties, présages dans le ciel et miracles des saints.
Pour moi, il est grand temps d'aller me reposer et d'éteindre ma lampe.

Traduction de Nata Minor

Les deux caractères féminins de Boris Goudounov présentent des traits totalement opposés : Xénia, la
fille de Godounov, est tout entière tournée vers le passé et l'image de l'amour perdu,  alors que
Marina, la fiancée d'Otrepiev, être de raison et d'ambition en qui les sentiments n' ont pas de place,
vit dans le futur et la représelltation claire du but à atteindre
.


Notes :

<<J'ai imité Shakespeare dans son dessin libre et large des caractères, dans son choix étonnant de types scéniques et dans sa simplicité... Les classiques et les romantiques ont tous basé leurs lois sur la vraisemblance, et c' est justement elle qu' exclut le drame. >>

- Alexandre Pouchkine, lettre à Nicolas Raïevski.

<<A l' exemple de Shakespeare, Pouchkine renonce aux trois unités classiques et remplace l' alexandrin traditionnel par le vers blanc de cinq pieds ; il introduit dans la tragédie quelques scènes en prose, et enrichit la langue de nombreuses tournures empruntées au parler courant et à la langue populaire. >>

- Grigori Vinokur, <<Pouchkine auteur dramatique >>, paru dans "Recueil d'articles consacrés au grand poète russe
Alexandre Pouchkine", Société d'URSS pour les relations culturelles avec les pays étrangers, Paris, 1939.

 

Boris Christoff une des plus grande basse du XX° siècle joue et chante la mort de Boris Godounov (rôle de Boris) opéra de Modest Petrovitch Moussorgski (d'après la pièce de Pouchkine)

 


 

 

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11 décembre 2009 5 11 /12 /décembre /2009 09:57

1799  -  1837

ALEXANDRE  SERGUEÏEVITCH  POUCHKINE

Pouchkine est considéré comme le fondateur de la littérature russe moderne. Aujourd'hui, la ville où il étudia, Tsarskoïe Selo, non loin de Saint-Pétersbourg, porte encore son nom.

Pouchkine-portait.jpgD'emblée, Pouchkine éveilla les esprits libertaires et inaugura une nouvelle littérature russe. Les écrivains de la génération qui le suit immédiatement - Gogol, Lermontov, Tourgueniev, Dostoïevski, Tolstoï ont tous lu Pouchkine dès leurs jeunes années.
Les compositeurs russes Tchaïkovski et Moussorgski ont également composé d'après son oeuvre nombre d'opéras : Eugène Onéguine. La Dame de pique. Boris Godounov, etc.

L'auteur russe

Au XVIII ème siècle, sous le règne de la Grande Catherine, la Russie s'enorgueillit d'une culture européenne. Le français, l'allemand, l'anglais y sont des langues familières, les plus grands esprits d'Occident ont été reçus à Saint-Pétersbourg.
C'est au lendemain de cette époque que naquit Alexandre Pouchkine, estimé par ses contemporains comme l'un des plus grands poètes russes, et surtout comme le plus Russe d' entre eux. De bonne famille, quoique assez modeste, nourri de littérature française (Voltaire, Parny, Chénier) et anglaise (Byron, puis Shakespeare), Pouchkine était don Juan, frondeur, joueur et duelliste. Il partagea un temps l' existence de l'inconséquente jeunesse qu'il décrit dans "Eugène Onéguine" (1823-1830), "Le Coup de pistolet" et "La Dame de pique" (1833). En 1837, il provoqua en duel un jeune Français, amant prétendu de sa femme Natalia Gontcharova. Il fut blessé et mourut trois jours plus tard.

Face à la censure

En 1820, Pouchkine, interrogé, se reconnaît l' auteur de quelques poèmes séditieux qui circulent sous le manteau. Le tsar Alexandre Ier le condamne à un exil qui durera six ans. Il fréquente des amis de lycée, qui seront impliqués dans la tentative de coup d'État de décembre 1825, à la mort d' Alexandre Ier. Il fait partie quelques semaines d'une loge maçonnique. En 1826, après l'échec des " Décembristes" *Pouchkine est appelé à se disculper par le successeur du tsar, Nicolas Ier, qui s'institue personnellement son censeur. Ses déplacements, ses résidences sont surveillés et surtout ses écrits lus par la police de l'empereur. Ainsi "Le Cavalier de bronze" (1833) ne fut pas publié car Pouchkine refusa de le " corriger". Dans ce poème, qui commence par un bref (et forcé) éloge de Pierre le Grand, la Neva, qui arrose Saint-Pétersbourg, déborde. Evgueni, accroché à un lion sculpté, voit la maison de sa fiancée emportée par les flots, alors que surnage impassible la statue équestre de Pierre le Grand, fondateur de la ville. Evgueni a-t-il perdu la raison lorsqu'il l'apostrophe ? Fuyant devant le "cavalier de bronze" qui semble le poursuivre, il vient mourir sur le seuil de la maison échouée de son aimée. Ce poème reprend le thème de la statue vivante traité dans une "petite tragédie",  "L'invité de pierre" (1830).

*
Les décembristes ou décabristes  doivent leur nom à une tentative  de coup d'état durement réprimée qu'ils avaient organisée à  Saint Pétersbourg  le 14 décembre 1825 pour obtenir du futur tsar une constitution  afin de moderniser le régime.


Le Cavalier de bronze
 

180px-cavalier-de-bronze.jpg

Extrait du "Cavalier de Bronze"

Oui je t'aime, cité, création de Pierre ;
J'aime le morne aspect de ta large rivière,
J'aime tes dômes d'or où l'oiseau fait son nid,
Et tes grilles d'airain et tes quais de granit.
Mais ce qu'avant tout j'aime, ô cité d'espérance,
C'est de tes blanches nuits la molle transparence,
Qui permet, quand revient le mois heureux des fleurs,
Que l'amant puisse lire à tes douces pâleurs
Le billet attardé, que, d'une main furtive,
Traça loin de sa mère une amante craintive.
Alors, sans qu'une lampe aux mouvantes clartés,
Dispute à mon esprit ses rêves enchantés,
Par toi seule guidé, poète au cœur de flamme,
Sur le papier brûlant je verse à flots mon âme.
Et toi, pendant ce temps, crépuscule argenté,
Tu parcours sur ton char la muette cité,
Versant aux malheureux, dans ta course nocturne,
Le sommeil, doux breuvage échappé de ton urne,
Et regardant au loin, comme un rigide éclair,
L'Amirauté dressant son aiguille dans l'air.
Alors, de notre ciel par ton souffle effacée,
Vers le noir occident l'ombre semble chassée,
Et l'on voit succéder, de la main se touchant,
La pourpre de l'aurore à celle du couchant.

Le conteur

Pouchkine a
vait débuté au lycée de Tsarskoïe Selo par quelques poèmes, dont un pastiche de l'école romantique intitulé "Rouslan et Lioudmila". Ces poèmes le firent remarquer par le poète Joukovski, chef de file des romantiques et par l'historien Karamzine. Tous deux sont intervenus chaque fois que Pouchkine encourait des sanctions impériales. Sa langue est le russe, la seule qui soit parlée dans tout l'empire, ses vers sont généralement des octosyllabes réguliers. Pouchkine aspire avant tout à écrire des contes populaires, d'abord d'inspiration romantique (Le Prisonnier du Caucase, Les Tziganes, La Fontaine de Bakhtchissaraï) ou orientale (Tsar Saltan). Après une enquête provoquée par son poème sacrilège "La  Gabréliade", il publia ses deux premiers tomes de "Poésies" (1829) et, en 1830, ses premiers contes étranges, "Les Récits de Belkine".

 Des abîmes de l'âme à ceux de l'empire

 Les contes populaires des débuts de Pouchkine devinrent rapidement des contes fantastiques. L'âme de leurs héros est le théâtre de surgissements imprévus, d'angoisses, de folies que l' on croyait profondément enfouies et qui refont soudain surface. C' est le cas de ce hussard, en garnison dans une province reculée, tout entier happé dans un sabbat onirique qui continue de le hanter à ce jour (Le Hussard), ou de Marie, héroïne de "Poltava", qui devient folle. Autres exemples de ces abîmes de l'âme russe, les imposteurs Grigori Otrepiev et Pougatchov. Le premier se fit passer pour Dmitri, fils d'Ivan IV le Terrible, assassiné par Boris Godounov, entraînant une armée jusqu' à Moscou et allant même jusqu'à régner avant d'être assassiné à son tour. C'est la thèse de sa tragédie "Boris Godounov".

Quant au second, il se fit passer pour Pierre III après la mort de celui-ci (assassiné dit-on par la Grande Catherine) et entraîna des cosaques dans une rébellion qui fut sévèrement réprimée. Insatisfait de son "Histoire de la révolte de Pougatchov", qu'il jugeait trop formelle, Pouchkine en fit le sujet de "La Fille du capitaine", son unique roman.

La  Dame de pique

natalia.jpg

Lorsque Pouchkine épouse Natalia Gontcharova, le tsar et la cour jettent sur celle-ci leur dévolu. Nicolas Ier, pour garder le couple auprès de lui, nomme le mari gentilhomme de la Chambre. De ce poste qui lui assure l' accès aux archives  impériales, Pouchkine ne peut démissionner. En 1834, Pouchkine publie avec succès "La Dame de pique". Cette courte nouvelle, qui mêle la précision de la description réaliste à une atmosphère de conte fantastique, est tenue pour l'un de ses chefs-d'oeuvre.



Notes :


Le poète Pouchkine fut tôt remarqué en France. Un écrivain qui devait se reconnaître de multiples affinités de style avec lui en a été le principal propagateur :  il s'agit de Prosper Mérimée (1803-1870). On peut estimer que la connaissance de  Pouchkine en France passa nécessairement par sa plume. Il est moins connu que Pouchkine qui, de son côté, fit découvrir Mérimée en Russie. Il publia une traduction de ses "Poèmes illyrien" en 1833 et, dans le "Sovremennik"  ( - Le Contemporain  - revue qu'il a fondée et dirigée), en 1835, des "Chants slaves occidentaux" inspirés de "La Guzla" du même Mérimée.
Lorsque Pouchkine fut tué par son rival français (qui fit une longue carrière politique en France), Mérimée décida d'approfondir sa connaissance du poète russe. Il fit des recherches biographiques jusque auprès du frère de Pouchkine, des recherches historiques sur Pougatchov par exemple (le faux Démétrius de Boris Godounov) et enfin et surtout traduisit nombre de ses textes. Sa traduction de "La Dame de pique" (Pikovaïa Dama) est à la mesure du génie de Pouchkine. Le lecteur qui voudrait s'en faire une idée plus littérale peut la comparer à la traduction d' André Gide et Jacques Schiffrin (Gallimard, 1935).

 

 

Depuis le quartier de Smolny à Saint Pétersbourg en Russie, Olivier BARROT présente l'édition de deux oeuvres d'Alexandre POUCHKINE regroupées "Poltava - Le cavalier de bronze".La lecture en russe d'un très court extrait du livre introduit l'émission qui se termine par une autre courte lecture par le présentateur.


 



 

 
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7 décembre 2009 1 07 /12 /décembre /2009 12:39

Karl Marx cherche à expliquer l'existence, la nature, les mécanismes, le succès et les échecs du mode de production capitaliste tel qu'il existe en Europe à la fin du XIX ème siècle.

La rédaction du "Capital"  dura dix-huit ans : le livre 1 fut publié en 1867, mais Marx ne parviendra pas à mettre au point la version définitive des trois autres volumes avant sa mort. A partir des manuscrits, Engels publia les livres II et lll. Enfin,  le volume lV, " Les Théories de la plus-value", ne fut édité qu'en 1910 par Kautsky.

Profit et plus-value

Par cet ouvrage volumineux, Karl Marx veut expliquer, pour mieux en démontrer les faiblesses et les erreurs, le système capitaliste. Il oppose travailleurs et capitalistes : ces derniers exploitent le labeur des ouvriers en les rémunérant moins que ce qu'ils rapportent par leur travail. Ils obtiennent donc un avantage : cette tranche de travail non payée est le profit capitaliste, la plus-value. Et le simple travailleur ne peut se révolter car le capitaliste détient le monopole des moyens de production et maîtrise ainsi le marché du travail. Puis, l' expansion nécessitant plus de travailleurs et plus de salaires, il va recourir à la mécanisation ; mais cela limite considérablement les profits qu'il obtiendrait en exploitant la main-d'oeuvre. On court tout droit à la crise capitaliste par la disparition des profits. Seule la Révolution de la classe ouvrière clôturera ce cycle et sonnera le glas de la propriété privée. Ainsi, le mécanisme même du mode de production capitaliste doit engendrer sa propre fin.

http://ecx.images-amazon.com/images/I/414P69PP4CL._SL500_AA240_.jpgUne théorie économique

"Le Capital" est une critique scientifique du capitalisme. La tâche eut été facile de s'en prendre au capitalisme réel, tel que Marx a pu le voir dans I'Europe de la révolution industrielle. Mais, en plus de cette dimension sociale et historique, l'auteur décrit un fantastique édifice économique - le capitalisme -, dont il explique les contradictions et prédit la chute inéluctable. Ainsi que l'écrira Staline,"l'histoire du capitalisme a entièrement confirmé les théories de Marx et d'Engels sur les lois du développement de la société capitaliste (...) qui conduisent  inévitablement à l'écroulement de tout le système capitaliste."

Pourtant, le parti pris théorique de cette démonstration n'empêche pas Marx de pousser, au milieu d'analyses et de raisonnements abstraits, de véritables cris de haine contre la société bourgeoise et le capital, "dégoulinant de la tête aux pieds, par chaque pore de sa peau, de sang et de saleté". Il faut préciser que l' auteur vécut dans une très grande pauvreté matérielle.

Pour Marx "Le capitalisme"  engendre le monopole. Donc, il y a de moins en moins de capitalistes face
 à une classe ouvrière toujours plus nombreuse et mieux organisée. Les "expropriateurs" sont alors eux- mêmes expropriés.

Extraits :

Le capitaliste exploite sans retenue le labeur de I'ouvrier

Après les siècles qu' il avait fallu au capital pour prolonger la journée de travail jusqu' à ses limites normales maximales, puis pour dépasser celles-ci et les pousser aux limites de la journée naturelle de 12 heures, il s' est produit, à partir de la naissance de la grande industrie, durant le dernier tiers du XVIIl ème  siècle, un bouleversement violent et démesuré qui, comme une avalanche, a fait voler en éclat toute espèce de limite, qu' elle soit dictée par les moeurs et la nature, l'âge et le sexe, le jour et la nuit. Les notions mêmes de jour et de nuit, qui sont d'une simplicité rustique dans les anciens statuts, devinrent tellement floues qu' en 1860 il fallut encore qu' un juge anglais fit preuve d'une perspicacité proprement talmudique pour énoncer avec  "force de jugement " ce qu'était le jour et ce qu' était la nuit. Pour le capital ce fut le temps des orgies.

                          ***

Le capitaliste recourt à la machine au détriment des ouvriers...

Bien que la machinerie refoule nécessairement des ouvriers dans les secteurs de travail où elle est  introduite, elle peut cependant provoquer une augmentation d' emplois dans d' autres secteurs de travail. Mais cet effet n' a rien de commun avec ce que l'on appelle la théorie de la compensation. Étant donné que tout produit mécanique, une aune de tissu mécanique par exemple, est meilleur marché que le produit de
même nature fait à la main qu' il a refoulé, il en découle cette loi absolue : quand la quantité globale d' un article produit mécaniquement est égale à la quantité globale de l' article  produit artisanalement ou en manufacture et qu' il a remplacé, la quantité globale de travail utilisé diminue.

                         ***


... et s'en sert pour briser les grèves

Mais la machinerie n' agit pas seulement comme un concurrent de force supérieure, toujours prêt à rendre "superflu" le travailleur salarié. Le capital la proclame bien haut et la manipule tendanciellement comme une puissance ennemie du salarié. Elle devient l'arme de guerre la plus puissante pour écraser les soulève ments ouvriers périodiques, les grèves, etc. déclenchées contre l'autocratie du capital. Selon Gaskell, la machine à vapeur fut d' emblée un antagoniste de la "force humaine" qui permettait au capitaliste d'écraser les prétentions croissantes des ouvriers, lesquelles menaçaient de conduire à une crise le système des fabriques naissant.

Traduit par Joseph Roy, Messidor, Éditions sociales, 1983


Notes :

En plus d'une critique théorique, ce livre contient un programme d'action : "Organiser l'action  révolution naire, tel est le but du Capital. (...) La critique de l'économie politique définit, pour la première fois, ce que peut être le chemin de ce que nous appelons aujourd'hui les "sciences sociales" : une critique rigoureuse, fondée sur des connaissances contrôlées, d'un savoir constitué, qui aboutit à la définition d'un programme de transformation radicale, de renversement : de révolution".

 - François Chatelet, Le Capital : Marx, Profil Hatier, 1987


Néanmoins, l'oeuvre n'explique pas ce que doit être cette société sans classes : " Rappelons-nous que Marx ne fut pas le bâtisseur du communisme. Cette tâche formidable devait incomber à Lénine."

 Robert L. Heilbroner, Les Grands Économistes, Points, Le Seuil, 1971

La difficulté du texte l'a paradoxalement servi : les services de la censure tsariste tolérèrent la publication du
Capital :  "Bien que l'auteur ait certainement des convictions socialistes et que tout le livre ait un caractère socialiste nettement prononcé, attendu néanmoins que l'exposé ne peut être désigné comme accessible à tous, qu'il revêt la forme d'une démonstration mathématique rigoureuse, le comité déclare impossible d'engager des poursuites contre cet ouvrage".

 - cité dans Marx de Pierre Fougeyrolles, Que sais-je, PUF, 1985


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6 décembre 2009 7 06 /12 /décembre /2009 14:47


Un texte fondateur du socialisme scientifique, qui devait changer le monde.



<< Matérialisme historique : terme créé par Engels pour désigner la doctrine de Marx d' après laquelle les faits économiques sont la base et la cause déterminante de tous les phénomènes historiques et sociaux. >>

Lalande, Vocabulaire de la philosophie.


VIDEO :

http://www.aleph99.info/Le-manifeste-du-parti-communiste.html


Un vibrant appel à I'action révolutionnaire


La lutte des classes a toujours été le moteur de l'histoire universelle. En ce milieu du XIX ème siècle, la société est divisée en deux grandes cIasses antagonistes, la bourgeoisie et le prolétariat. Marx et Engels montrent le rôle révolutionnaire de la bourgeoisie : depuis le Moyen Age, en transformant constamment les moyens de production, elle bouleverse les rapports sociaux. Elle supprime I'émiettement de la propriété et favorise les grandes concentrations de populations, en particulier ouvrières. Mais la bourgeoisie engendre sa propre destruction par une épidémie de surproduction : elle augmente sa capacité de production mais ne http://www.mollat.com/cache/Couvertures/9782253014911.jpgpermet pas d'accroître la capacité de consommation des travailleurs. Donc non seulement elle signe son arrêt de mort, mais eIIe produit  les hommes qui la mettront à mort, c'est-à-dire les prolétaires. Ces derniers prennent conscience des intérêts communs qui les unissent contre la bourgeoisie. La solidarité universelle des  travailleurs conduira à la dictature du prolétariat qui brisera la bourgeoisie et établira la société sans cIasse.

Le bréviaire du marxisme

En 1847, se tient à Londres le deuxième congrès de la Ligue communiste. Marx et Engels sont chargés de rédiger un Manifeste qui paraît en janvier 1848. Ce Manifeste, destiné aux travailleurs, est un texte simple, exclut les développements historiques ou phiIosophiques ardus et contient en germe les deux fondements du marxisme : les rapports entre le capital et le travail sont le résultat des méthodes de production ; les méthodes de production déterminent toutes les structures d'une société. Le Manifeste est une tentative d'explication de I'histoire. La mort inéluctable du capitalisme et la victoire du prolétariat sont l'objet de la part des auteurs d'une démonstration qui se veut scientifique. Marx et Engels rompent avec le socialisme utopique. Ils se  fixent des buts précis : le prolétariat doit non seulement se soulever mais conquérir le pouvoir et réorganiser les modes de production. Cette mission incombe aux communistes qui représentent en 1848 la fraction la plus déterminée des partis ouvriers de tous les pays.


Extraits :

Selon Marx :

- Bourgeois : industriel qui fait travailler un grand nombre de salariés grâce à la possession d' un capital  important.

- Prolétaire : celui qui ne vit qu' à condition de trouver du travail  et qui n' en trouve que si son travail accroît  le capital.

La bourgeoisie, classe révolutionnaire

La bourgeoisie a joué dans l' histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l' homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d' autre lien, entre l' homme et l' homme, que le froid intérêt, les dures exigences du paiement au comptant. Elle a noyé les  frissons sacrés de l'extase religieuse, de l' enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d' échange  :  elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale.

                           ***

Vers la domination du prolétariat

Tous les mouvements historiques ont été, jusque ici, accomplis par des minorités ou au profit de minorités. Le mouvement prolétarien est le mouvement spontané de l' immense majorité au profit de l' immense majorité. Le prolétariat, couche  inférieure de la société actuelle, ne peut se soulever, se redresser, sans faire sauter toute la superstructure des couches qui constituent la société officielle.

La lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, bien qu' elle ne soit pas, quant au fond, une lutte nationale, en revêt cependant tout  d' abord la forme. II va sans dire que le prolétariat de chaque pays doit en finir avant tout avec sa propre bourgeoisie.

En esquissant à grands traits les phases du développement du prolétariat, nous avons retracé l'histoire de la guerre civile, plus ou moins larvée, qui travaille la société actuelle jusqu' à l' heure où cette guerre éclate en révolution ouverte et où le prolétariat fonde sa domination par le renversement  violent de la bourgeoisie.


                                               ***

Rôle des communistes

Les communistes combattent pour les intérêts et les bus immédiats de la classe ouvrière, mais, dans le mouvement présent, ils défendent et représentent en même temps l' avenir du mouvement (...).
En somme les communistes appuient en tout pays tout mouvement révolutionnaire contre l'ordre social et politique existant (.. .).
Enfin, les communistes travaillent à l' union et à l'entente des partis démocratiques de tous les pays
.

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6 décembre 2009 7 06 /12 /décembre /2009 09:02



1816  1883


Il est difficile de tout ignorer du marxisme, qui, aujourd'hui encore, se déploie dans les trois domaines auxquels Marx a consacré son existence : la philosophie, les luttes ouvrières, l'économie.


L'Allemagne, où il nait le 5 mai 1816, est un pays retardataire, encore féodal, sauf en Rhénanie. Le père de Marx, avocat libéral de Trèves, le destine à la carrière juridique. Mais Karl va se consacrer à la  philosophie, http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/d4/Karl_Marx_001.jpg/200px-Karl_Marx_001.jpget en 1841, il achève sa thèse de philosophie sur "Démocrite et Épicure". Malgré l'enthousiasme de M. Hess  ( il est le seul grand philosophe vivant ) il n'obtient pas la chaire de professeur qu'ïl espérait et décide d'être journaliste.  A Cologne, il prend la direction de la "Gazette rhénane"  journal démocrate, bientôt interdit à cause de ses critiques contre l'État prussien. Peu après, Marx, enfin marié avec Jenny von Westphalen, sa fiancée depuis sept ans, quitte l'Allemagne et s'installe à Paris.

 Période fondamentale. Là, il noue d'étroites relations avec Engels et les groupes d'ouvriers émigrés ; en particulier avec la "Ligue des Justes*". Avec Engels, il prépare "La Sainte Famille". Il s'agit pour eux de montrer  l' insuffisance des critiques idéalistes de la société ; seul le prolétariat, par ses luttes, conteste réellement l' ordre existant. Marx est loin, désormais, des http://classiques.uqac.ca/classiques/Engels_Marx/sainte_famille/ste_famille_L20.gifillusions qui animaient encore ses articles de la  "Gazette rhénane". Mais en 1845, Guizot l'expulse. Il se réfugie à Bruxelles avec Engels. Son ardeur militante en semble accrue. En 1846, il est de ceux qui fondent le Comité de Correspondance Communiste, qui, un an plus tard, fusionnera avec la Ligue des Justes pour constituer la Ligue des Communistes.

 

*http://fr.wikipedia.org/wiki/Ligue_des_justes


Marx, qui a joué un rôle décisif dans la création de cette première organisation ouvrière internationale, en rédige le programme avec Engels : c'est le Manifeste du Parti Communiste, qui paraît à Londres en février 1848. Il condense les théories de L' idéologie allemande et prolonge la polémique contre Proudhon (cf. Misère de la philosophie). Le but du Manifeste est double ; il s'agit de clarifier l'idée du communisme et d' en finir avec les utopies socialistes. Mais il expose aussi les principes qui doivent guider l'action des communistes.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/b5/Friedrich_Engels_HD.jpg/220px-Friedrich_Engels_HD.jpgC'est donc un texte théorique et pratique. Au début 48, Marx est expulsé de Belgique pour avoir pris part a la politique du jour. Bientôt, il gagne Cologne avec Engels  (ci contre) pour y créer un quotidien : La "Nouvelle Gazette rhénane". Au cours de 1848, Marx y écrira plus de 80 articles, critiquant la bourgeoisie allemande, glorifiant l'héroïsme des ouvriers parisiens et expliquant l'importance de la lutte politique de masse. Mais l'état de siège proclamé à Cologne en septembre 48 met fin à la parution du journal et Marx reprend son travail de formation et d'organisation des ouvriers. En mai 49, c'est à nouveau l'émigrarion forcée. Il  choisit Londres, centre vital de la Révolution industrielle qui rayonne dans toute l'Europe, marquée désormais sur le plan politique par la contre-révolution. Pour lui et les siens commence "la longue nuit de l'exil".  L'aide financière d'Engels ne leur évite pas la misère noire et la mort de plusieurs enfants en bas âge. Cependant, il travaille sur les économistes, la philosophie et les sciences. Après une période d'isolement, il accepte, en 1864, la direction de l'Association des Travailleurs Allemands, et participera ainsi à la fondation de l' Association Internationale des Travailleurs. Celle-ci regroupe des organisations d'inspirations très diverses. Marx y fera triompher la conception d'un ohttp://classiques.uqac.ca/classiques/Marx_karl/capital_borchardt/Marx_le_capital_Samson_L12.gifrganisme de direction politique et l'idée d'une tactique internationale des luttes ouvrières. La lutte économique de classe, organisée par les syndicats, et la lutte politique dirigée par un parti très unifié trouvent en lui un défenseur acharné. La "Guerre civile en France" tirera ensuite les leçons de la Commune. Les textes de Marx commencent alors à être traduits et diffusés. Malgré la maladie, il travaille a son principal ouvrage économique :" Le Capital".
Mais   quand il meurt, le 14 mars 1883, il n'a pu l'achever et  n'en a publié que la première partie. Utilisant les matériaux accumulés par Marx, Engels organisera les livres II et III, et Kautsky le livre IV.


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5 décembre 2009 6 05 /12 /décembre /2009 11:14



A travers près de trois cents récits, Maupassant évoque la Normandie, les souvenirs de la guerre de 1870. II offre une description cruelle, cynique ou tendre de la société d'un siècIe finissant.

Publiés dans des revues de 1880 à 1890, "Les Contes" ont été réunis en volumes désignés par le titre du premier récit. Ils ont parfois été regroupés de façon thématique.

 

 

http://fr.wikisource.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Contes_et_Nouvelles_de_Maupassant

 

 

Des vies

En 1880, Maupassant, qui n'a jusque-là écrit que des poèmes, compose "Boule de Suif",  nouvelle "antipatriotique" qui  I' impose à l'attention de tous. Désormais, la voie de Maupassant, fils spirituel de Flaubert, admirateur de Balzac, est tracée. En l' espace de dix ans, il rédige près de trois cents nouvelles mettant, avec http://ecx.images-amazon.com/images/I/51-RXpOCO9L._SL500_AA300_.jpgart, en relief les détails  caractéristiques de la réalité. Derrière la richesse et la variété apparente des anecdotes narrées, les nouvelles reprennent toujours les mêmes thèmes, révélant une vision du monde essentiellement pessimiste, parfois révoltée, souvent acide. Ici, il est question de communication impossible entre les êtres, qu'ils soient prisonniers de leurs sens ou épris d'idéaux ; là, on peut voir une famille se désagréger, les coeurs se briser. Aux prises avec la guerre, la folie ou la mort, l'homme se révèle dans son égoïsme impitoyable, dans sa "souffrance de vivre". D'une nouvelle à l'autre, Maupassant évoque les mêmes milieux : la campagne normande, celle des hobereaux et des paysans (La Ficelle, La Bête à maître Belhomme, etc.), Paris où se côtoient sans se croiser prostituées, grandes bourgeoises et petits fonctionnaires pétris de médiocrité (La Parure, La Maison Tellier, etc.).

Au fiI des mots

A la description documentaire, Maupassant préfère les notations rapides qui suffisent à la représentation d'un geste ou d'une silhouette. Il  choisit l'esquisse, optant pour l'anecdote plutôt que pour une tentative d'épuisement du réel. Car c'est dans cette succession d'événements à forte coloration romanesque qui marquent une vie que se lit la vérité d'un homme.
Derrière cette ample satire sociale que brossent les nouvelles, c'est toute la colère, l' ironie mêlée de tendresse de Maupassant qui se donnent à lire. Au-delà, les destins qu'il narre iIIustrent ce tournant que connaît la fin du XIXèmes siècle avec l'émergence de l'esprit individualiste. L'écriture, aisée, où le trait acerbe s'allie à la poésie de la description, où la finesse psychologique se conjugue avec un sens aigu de l'histoire, est au service d'un sentiment tragique de l'existence, d'une vision de la société d'où la notion d'individu tend à disparaître.

Flaubert, ami de la famille Maupassant, initie tôt le jeune écrivain aux exigences de l' esthétique réaliste et lui fait rencontrer quelques sommités de l' époque dont Huysmans, Daudet et Zola.  Maupassant complète alors le petit groupe qui, chaque jeudi soir, se réunit chez Zola.

Extraits :

Boule de Suif est une prostituée qui, lors d'un voyage en diligence en compagnie de bourgeois, se livre à un Prussien pour sauver leur liberté. Le lendemain, elle ne rencontrera que leur mépris.

On n'attendait plus que Boule de Suif. Elle parut. Elle semblait un peu troublée, honteuse ; et elle s'avança timidement vers ses compagnons, qui, tous, d' un même mouvement, se détournèrent comme s' ils ne l'avaient pas aperçue. Le comte prit avec dignité le bras de sa femme et l'éloigna de ce contact impur. La grosse fille s' arrêta, stupéfaite ; alors, ramassant tout son courage, elle aborda la femme du manufacturier d'un "bonjour, madame" humblement murmuré. L' autre fit de la tête seule un petit salut impertinent qu' elle accompagna d' un regard de vertu outragée. Tout le monde semblait affairé, et l'on se tenait loin d' elle comme si elle eût apporté une infection dans ses jupes. Puis on se précipita vers la voiture où elle arriva seule, la dernière, et reprit en silence la place qu' elle avait occupée pendant la première partie de la route.

Boule de Suif, Le Livre de poche, 1957.

                                    ***

Le désespoir, la tristesse se font cynisme dans "La Parure",  I'histoire de cette femme qui paiera toute sa vie pour avoir brillé un soir au bal du ministère

Mme Loisel connut la vie horrible des nécessiteux. (...) Elle savonna le linge sale, les chemises et les torchons, qu' elle faisait sécher sur une corde ; elle descendit à la rue, chaque matin, les ordures, et monta
 l' eau, s' arrêtant à chaque étage pour souffler. Et, vêtue comme une femme du peuple, elle alla chez le fruitier, chez l' épicier, chez le boucher, le panier au bras, marchandant, injuriée, défendant sou à sou son misérable argent. (...)
Le mari travaillait, le soir, à mettre au net les comptes d' un commerçant, et la nuit, souvent, il faisait de la copie à cinq sous la page.
 Et cette vie dura dix ans.
Au bout de dix ans, ils avaient tout restitué, tout, avec le taux de l' usure, et l'accumulation des intérêts superposés.

Mme Loisel semblait vieille maintenant. Elle était devenue la femme forte, et dure, et rude, des ménages pauvres. Mal peignée, avec les jupes de travers et les mains rouges, elle parlait haut,  lavait à grande eau les planchers. Mais parfois, lorsque son mari était au bureau, elle s' asseyait auprès de la fenêtre, et elle songeait à cette soirée d' autrefois, à ce bal où elle avait été si belle et si fêtée. . Que serait-il arrivé si elle n' avait point perdu cette parure ? Qui sait ? qui sait ?
Comme la vie est singulière, changeante ! Comme il faut peu de chose pour vous  perdre ou vous sauver !

"Contes du jour et de la nuit - collection Folio  1984



Notes :

Dans la préface de "Pierre et Jean",  Maupassant définit sa pratique d'écriture. Ce texte est par beaucoup considéré comme le manifeste du réalisme :
<<Le réaliste, s'il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même>>.

<<La vie, en outre, est composée des choses les plus différentes, les plus imprévues, les plus contraires, les plus disparates ; elle est brutale, sans suite, sans chaîne, pleine de catastrophes inexplicables, iIIogiques et contradictoires qui doivent être classées au chapitre faits divers>>.

<<Voilà pourquoi l'artiste, ayant choisi son thème, ne prendra dans cette vie encombrée de hasards et de futilités que les détails caractéristiques utiles à son sujet, et il  rejettera tout le reste, tout l' à côté. >>-

Maupassant, préface de Pierre et Jean, Le Livre de Poche, 1983

Albert  Thibaudet, professeur de littérature française puis critique notamment à la NRF, écrit.à propos de Maupassant :  <<Tout d'abord, iI est dans la littérature le maître certain du conte, le cIassique du conte, supérieur à Mérimée par la solidité et la variété des êtres vivants qu'il  pétrit dans une pâte de peintre au lieu d'en évoquer les traits comme le grand dessinateur de " La Partie de trictrac", supérieur à Alphonse Daudet non seulement par la richesse de la production, mais par un art  plus mâle, plus tonique, plus direct >-

Albert  Thibaudet, Histoire de la littérature française, Marabout, 1981

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4 décembre 2009 5 04 /12 /décembre /2009 13:43

1850 - 1893


Guy de Maupassant, romancier français né au château de "Miromesnil" près de Dieppe, fut profondément marqué par la désunion de ses parents, par une adolescence fort libre en Normandie et par un dur apprentissage littéraire sous la direction de Flaubert. Chassé du séminaire d'Yvetot pour son rationalisme, il finit ses études au lycée de Rouen. Après 1871, il accepte, pour gagner sa vie, une place de commis dans un ministère : à l'observation de ce milieux de bureaucrates, il joint celle des jeunes snobs, car il est solidement musclé, pratique le canotage et  fréquente les "guinguettes" ou l'on s'amuse sur les bord de la Seine. Entre 1871 et 1881, il compose des poèmes (Le Mur, Au bord de l'eau), mais surtout, il subit l'influence de FLAUBERT, ami d'enfance de sa mère, qui l'entraîne à observer la réalité avec des yeux  neufs, lui impose des exercices de style.

 Il ne débuta guère qu'en 1880, avec "Boule-de-Suif". Dès lors, durant une douzaine d'années, il associa une vie mondaine et une vie littéraire bien remplies, exprimant dans ses romans et ses nouvelles les thèmes constants de son inspiration : la solitude, l 'incompréhension, la cruauté. Les milieux ne changent guère : paysans normands, "viveurs", hobereaux désabusés, Parisiens arrivistes (Bel Ami, 1885), petits bourgeois médiocres constituent un embryon de société. Pourtant, son réalisme, qu'il définit dans la préface de "Pierre et Jean" (1888) n'est pas photographique, il tend à donner une vision du réel, "plus probante que la réalité même", donc plus personnelle. L'auteur est, en effet, toujours présent, avec son regard amer et sarcastique, marqué par le pessimisme de Schopenhauer et n'échappant souvent à l'angoisse que par l'humour ou la gauloiserie,  puis plus tendre, prêt à accepter la vie sans illusion, partagé entre la pitié et I' horreur.

A mesure que le temps passe, une nouvelle forme d'angoisse se manifeste, liée à la montée de la folie chez Maupassant : hallucinations, dédoublement de la personnalité (Le Horla, 1887) s'imposent tragiquement à lui, comme des signes prémonitoires du destin qui l'attend. Maupassant  meurt le 6 Juillet 1893 à Passy de la syphilis. Ecrivain d'une profonde vérité humaine, iI s'est borné à témoigner, sans beaucoup se soucier de théories littéraires, avec simplicité et avec force : double témoignage sur l'homme et sur la société de son temps.

 A voir le site ci-sessous sur Maupassant.

http://www.maupassantiana.fr



Bel Ami :

Dans le milieu pourri de la presse parisienne, sous la III ème République, un bellâtre sensuel et cynique exploite son pouvoir de séduction sur les femmes pour grimper au faîte de I'échelle sociale et de la fortune.

En sus de la multitude des nouvelles qui ont  fait sa renommée, Maupassant a écrit six romans, dont  "Une vie (1883), Pierre et Jean (1887). "Bel - Ami"  (1885) est sans doute son ouvrage le plus nettement autobiographique. En 1885,  Maupassant, grand reporter en Afrique du Nord, est à l' apogée de ses succès féminins. A trente-cinq ans, il connaÎt une maturité précoce déjà guettée par la maladie et la folie.

D'une femme à I'autre

Georges Duroy rencontre un ancien camarade, Forestier, qui le fait engager dans le journal où il travaille : la Vie Française. C'est  Mme Forestier qui écrira ses premiers articles. Tout en poursuivant une liaison orageuse avec l'une des amies des Forestier, dont la fille Laurine l'a gratifié du surnom de Bel-Ami, il se fait introduire chez Walter, le patron du journal, qui possède une épouse prude et distinguée et deux filles. Forestier tombe malade et meurt horriblement sous les yeux de  Bel-Ami, venu réconforter son épouse dans I'épreuve.
Bel-Ami  obtient rapidement la main de la veuve et occupe la place de Forestier au journal. Il devient très influent tandis qu'il entreprend la conquête de Mme Walter. Puis il la délaisse, rêvant à d'autres intrigues. Observant avec jalousie la réussite de Walter au cours d'une grandiose réception, il regrette de s'être marié et jette son dévolu sur l'une des filles de Walter, l'inconsistante Suzanne, qui s'est éprise de lui. Alors, profitant d'un adultère de sa femme, il fait casser son mariage, enlève Suzanne pour la compromettre et obtient sa main de ses parents désespérés. Ce mariage, sans amour, est pour lui une apothéose.

Réalisme cynique

Maupassant, étroitement guidé par Flaubert dans sa formation d'écrivain, illustre à sa manière I'esthétique
naturaliste : point de concession aux beaux sentiments ; il montre la vie et les gens tels qu'ils sont. La société est une jungle féroce où les forts et les malins se partagent le gâteau, où il n'y a pas la place pour les faibles ; c'est l'univers de l'argent tout-puissant. Les gens y paraissent à son image, toujours intéressés, cupides, faibles devant le désir. Les femmes sont incapables de résister au charme physique de Bel-Ami, qui est pourtant une ordure ; les hommes s'affrontent pour le pouvoir, la gloire, la fortune. Bel-Ami, ce pur arriviste aux dents longues et au sourire avantageux est un parfait produit de cet univers désespérant dont  Maupassant a brossé un tableau sans complaisance.


Extraits :

Les noires obsessions de la mort et du néant apparaissent dans ce roman pour assombrir davantage l' histoire de cet homme sans morale el sans conscience.

Il en tenait une, enfin, une femme mariée ! une femme du monde ! du vrai monde, du monde parisien ! Comme ça avait été facile et inattendu !
(...)  "Elle était grise, pensait-il ; demain, ce sera une autre chanson. J' aurai les larmes." Cette idée l'inquiéta, puis il se dit : "Ma foi, tant pis. Maintenant que je la tiens, je saurai bien la garder."

Et, dans le mirage confus où s' égaraient ses espérances, espérances de grandeur, de succès, de renommée, de fortune et d' amour, il aperçut  tout à coup, pareille à ces guirlandes de figurantes qui se déroulent dans le ciel des apothéoses, une procession de femmes élégantes, riches, puissantes, qui passaient en souriant pour disparaître l' une après l' autre au fond du nuage doré de ses rêves.

                             ***


- (...) A votre âge, on est joyeux. On espère tant de choses, qui n' arrivent jamais d' ailleurs. Au mien, on n' attend plus rien... que la mort.
Duroy se mit à rire :
- Bigre, vous me donnez froid dans le dos.
Norbert de Varenne reprit :
- Non, vous ne me comprenez pas aujourd' hui, mais vous vous rappellerez plus tard ce que je vous dis en ce moment. II arrive un jour, voyez-vous, et il arrive de bonne heure pour beaucoup, où c' est fini de rire comme on dit, parce que derrière tout ce qu'on regarde, c'est la mort qu'on aperçoit. (...) Oui, elle m' a émietté, la gueuse, elle a accompli doucement et terriblement la longue destruction de mon être seconde par seconde. Et maintenant je me sens mourir en tout ce que je fais. Chaque pas m' approche d' elle, chaque mouvement, chaque souff!e hâte son odieuse besogne. Respirer, dormir, boire, manger, travailler, rêver, tout ce que nous faisons, c' est mourir. Vivre enfin, c' est mourir.

                               ***

(...) II ne voyait personne. II ne pensait qu' à lui. Lorsqu'il parvint sur le seuil, il aperçut la foule amassée, une foule noire, bruissante, venue là pour lui, pour lui, Georges Duroy. Le peuple de Paris le contemplait et l' enviait.
Puis, relevant les yeux, il découvrit là-bas, derrière la place de la Concorde, la chambre des Députés. Et il lui sembla qu'il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon. II descendit avec lenteur les marches du haut perron entre deux haies de spectateurs. Mais il ne les voyait point ; sa pensée maintenant revenait en arrière, et devant ses yeux éblouis par l' éclatant soleil flottait  l' image de Mme de Marelle rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit.

Notes :

Maupassant s'est défendu d'avoir voulu critiquer la presse : "J'ai voulu simplement raconter la vie d'un aventurier pareil à tous ceux que nous coudoyons  (synonyme de côtoyer) chaque jour dans Paris, et qu'on rencontre dans toutes les professions existantes." "Est-il en réalité joumaliste ? Non. Je le prends au moment où il va se faire écuyer dans un manège. Ce n' est pas la vocation qui l'a poussé. J'ai soin de dire qu'il ne sait rien, qu'il est  simplement affamé d'argent et privé de conscience. Je montre dès les premières lignes qu'on a devant soi une graine de gredin, qui va pousser dans le terrain où elle tombera. Ce terrain est un journal."

Guy de Maupassant, Gil Blas, 7 juillet 1885

"Nous reconnaissons dans tout cela (Bel-Ami) la manière dont les romanciers en général, et ceux de l'école de Flaubert en particulier, créent un personnage vivant et avec ce qu'ils sont, et avec ce qu'ils redouteraient d'être si toutes leurs puissances se développaient librement, et même avec ce qu'ils haïraient d'être."

Albert Thibaudet, Réflexions sur la littérature, 1940

"Cette humanité d' avant Freud est décrite ici telle qu'elle se voit elle même, avec ses instincts élémentaires.
(...) Cette faune boulevardière des années quatre-vingt trafique des femmes et des influences ; les hommes jouent des coudes, se poussent, avec une espèce d'ignoble ingénuité." .

François Mauriac, le Figaro, 25 juillet 1947

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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 14:48



 Avec "La Débâcle" , au terme, ou presque, des Rougon-Macquart, Zola a voulu laisser un témoignage de la fin d'une époque celle du Second Empire, drame national et social dont aurait dû sortir une nouvelle société.

En 1890 Zola avoue qu' il commence à être "las" de sa série, "mais il faut bien que je la finisse, sans trop changer mes procédés." Et il est vrai que les trois derniers romans des Rougon-Macquart : L'Argent, La Débâcle et Le Docteur Pascal, écrits entre 1891 et 1893, n'ont plus le même souffle que les précédents.


Une fin et une défaite


La Débâcle (1892), en toute logique, c'est la fin des Rougon-Macquart, et c'est la fin d'une époque ; ce n'est pourtant pas le dernier tome du cycle, qui est  "Le Docteur Pascal" (1893), sorte de conclusion générale reprenant les grands thèmes de l'oeuvre. Lorsque la guerre éclate entre la France et la Prusse, le 19 juillet 1870, Zola vient d'avoir trente ans ; il n'est pas mobilisable, mais il aurait pu être intégré à la Garde nationale. Il quitte Paris le 7 septembre, et cette "désertion" le fait taxer de "franc-fileur" par ses adversaires politiques ; disons pour l'excuser qu'il a à charge sa femme et sa mère, et qu'il ne vit que chichement de sa plume (il n'a pas encore commencé les Rougon-Macquart). Zola, cette fois, ne peut donc pas compter sur ses souvenirs personnels. Il n'a pas participé à la guerre, il n'a pas vécu le siège de Paris, ni la Commune, dont il donne d'ailleurs une idée très négative, sans doute influencée par la version "officielle". Zola procède par conséquent à une enquête fouillée, sur la base de témoignages et de récits vécus, de carnets de route, etc., const
ituant une masse impressionnante de cinq cents pages de notes.

Les frères "entre eux"

Au-delà de la défaite militaire, "La Débâcle" est le reflet de l'effondrement du Second Empire, ponctué par une intrigue mince : Jean Macquart, le paysan de La Terre, se retrouve à la guerre aux côtés de Maurice Levasseur, citadin et fils de bourgeois. A l'antipathie entre les deux hommes succède la solidarité dans la défaite puis l'amitié. Mais, à Paris, les deux soldats sont à nouveau séparés ; Maurice tente de trouver sa voie dans le bouillonnement révolutionnaire, alors que Jean, en homme de la terre, est hostile à toute aventure ; il s'engage dans la Garde nationale, et c'est lui qui tue Marcel, sur une barricade, en une scène qui symbolise la nation divisée. Mais, de ces sacrifices et de ces luttes fratricides doit naître la société nouvelle, pleine de promesses, vision d'un idéalisme naïf, très éloignée de l'écrasement du mouvement ouvrier et des luttes qui se nouent lorsque Zola écrit ces lignes (l'affaire Dreyfus éclate en 1894).

La Commune de 1871 fut la conséquence des humiliations et des souffrances endurées pendant le siège de Paris imposé par la Prusse.


Extraits :

Le combat et ses plaies

L' horreur s' était encore accrue, parmi ce peuple d' arbres bombardés, tués à leur poste, s' abattant de tous côtés comme des soldats immobiles et géants. Sous les frondaisons, dans le délicieux demi-jour verdâtre, au fond des asiles  mystérieux, tapissés de mousse, soufflait la mort brutale. Les sources solitaires étaient violées, des mourants râlaient jusque dans les coins perdus, où des amoureux seuls s' étaient égarés jusque-là. Un homme, la poitrine traversée par une balle, avait eu le temps de crier "touché !" en tombant sur la face, mort. Un autre, qui venait d' avoir les deux jambes  brisées par un obus, continuait à rire, inconscient de sa blessure, croyant simplement s' être heurté contre une racine. D' autres, les membres troués, atteints mortellement, parlaient et couraient encore, pendant plusieurs mètres, avant de culbuter, dans une convulsion brusque. Au premier moment, les plaies les plus profondes se sentaient à peine, et plus tard seulement les effroyables souffrances commençaient, jaillissaient en cris et en larmes.

                          ***

L'amitié brisée par un idéal différent

La foule grondait toujours, et Maurice se retourna.
- Citoyens, laissez-moi donc leur parler ! ce sont de braves gens, je réponds d' eux.
 Il prit les mains de son ami, et à voix plus basse :
- N' est-ce pas, tu restes avec nous ? Le visage de Jean exprima une surprise profonde.
- Avec vous, comment ça ?
Puis, un instant, il l' écouta s'irriter contre le gouvernement, contre l' armée, rappeler tout ce qu'il avait souffert,  expliquer qu' on allait enfin être les maîtres, punir les incapables et  les lâches, sauver la République. Et, à mesure qu' il s' efforçait de le comprendre, sa calme figure de paysan illettré s' assombrissait d'un chagrin croissant.
- Ah ! non, non ! mon petit, je ne reste pas, si c' est pour cette sale besogne... Mon capitaine m' a dit d' aller à Vaugirard, avec mes hommes, et j'y vais. Quand le tonnerre de Dieu y serait, j' irais tout de même. C' est naturel, tu dois sentir ça.
Il s' était mis à rire, plein de simplicité et  il jouta :

- C' est toi qui vas venir avec nous.
Mais d' un geste de furieuse révolte, Maurice lui avait lâché les mains. Et tous deux restèrent quelques secondes face à face, l'un dans l'exaspération du coup de démence qui emportait Paris entier, ce mal venu de loin, des ferments mauvais du dernier règne, l'autre fort de son bon sens et de son ignorance, sain encore d' avoir poussé à part, dans la terre du travail et de l' épargne. Tous les deux étaient frères pourtant, un lien solide les attachait, et ce fut un arrachement, lorsque, soudain, une bousculade qui se produisit les sépara.


Notes :

" Mais les livres ont des destinées singulières. La Débâcle, qui est l'un des romans les moins réussis de Zola, a l'un des plus forts tirages. Le souci d'actualité, s'il a desservi l'écrivain sur le plan de l'art, a fait la réussite commerciale du livre. (...) Les petites fiches portant les numéros des régiments, les cartes d'état-major, l'avance et le recul des armées, les noms des généraux, et même ces carnets de combattants qu'il a lus, ne parviennent jamais à donner l'impression de la vie. Que l'on compare Guerre et Paix à La Débâcle, et l'on verra ce que Tolstoï a réussi avec un sujet semblable."

 - M. Bernard, 20la par lui-même, éditions du Seuil, 1952

"Ce qui fait mal, plus que tout, dans La Débâcle, ce qui n'est pas digne de Zola, c'est le jugement qu'il porte sur Paris, et l'image abjecte qu'il nous donne des origines de la Commune".

 -H. Guillemin, préface à La Débâcle, éditions Rencontre

"En plein délire militariste, et nationaliste, c'était assez pour un volume. Ce fut en tout cas suffisant pour que Barrès écrive : "(...) pour mieux vendre en Allemagne son livre La Débâcle, il le laisse truffer d'images anti-françaises", et plus tard (1911)  Maurras : "Sa Débâcle fit les délices de l' Allemagne et fut chez nous l' engin préféré des ennemis de l'armée française..."

 -M. Euvrard, Zola,éditions Universitaires, 1967



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Présentation

  • : Le blog de Cathou
  • : Bonjour à tous.... Une approche de certains écrivains ; vie, œuvres, extraits. A l'attention de la personne "ANONYME" qui se reconnaîtra.... : je n'ai jamais voulu m'approprier ce travail, j'ai noté dans ma page d'accueil les sources :Ce blog sans prétention aucune a été crée à partir de fiches -collection Atlas - et d'ouvrages - collection Lagarde et Michard et collection Nathan "Grands écrivains du Monde", -
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Divers personnages....


DANTE


                                                                                                      Béatrice Portinari









Dante par Giotto








Première page de la Divine Comédie













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SOPHOCLE



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                                                                                                       Antigone




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Philotecte abandonné par les Grecs







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Sophocle  Bas relief en marbre









Sophocle




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Pythagore



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Le Banquet manuscrit sur papyrus.






Platon par Raphaël





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ARISTOTE





Aristote par Raphaël




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Aristote sur une fresque murale à Rome




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Alexandre à une bataille






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Alexandre combattant un lion







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Bronze - Alexandre









Buste d'Alexandre le Grand







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Alexandre et Aristote





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Enluminure "Chanson de Roland"










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Mort de Roland à Ronceveaux
















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Charlemagne et le Pape Adrien I






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Charlemagne et son fils Louis le Pieux






RUTEBOEUF

                            



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Ruteboeuf par Clément Marot

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