1799 - 1850
L'honnête homme du XXème siècle ne peut ignorer l' oeuvre d'Honoré de Balzac ; non seulement elle a dominé son temps et marqué l'étape essentielle de l'histoire du genre littéraire le plus florissant de nos jours : le roman, mais encore elle domine et marque notre temps. On peut parler du cas Balzac, voire du mystère Balzac. Ce bourgeois du XIX ème siècle, à prétentions aristocratiques, qui rêvait d'un monde déjà révolu de son temps, est aujourd'hui encore, et de plus en plus, un des auteurs les plus lus, les plus traduits, les plus commentés, les plus discutés dans le monde entier et pas seulement dans les universités.
Pourquoi cette oeuvre suscite-t-elle une telle curiosité dans des milieux si divers ? Celui qui veut tenter de répondre à cette question se heurte vite, d'une part, à l'immensité de l' oeuvre balzacienne elle-même, de l'autre, à la multitude des écrits qui tentent de l'éclairer. La bibliographie balzacienne atteignait déjà plus de 10 000 titres en 1950, l'année du centenaire ; elle ne doit pas être loin aujourd'hui des 12 000 titres et ne cesse de s'enrichir ! Comment dans tous cela, sous tous cela, le lecteur moderne peut-il découvrir Balzac ?.
Honoré de Balzac naquit en 1799 à Tours où son père, qui s'appelait en réalité Balzac sans particule, était administrateur de l'hospice. Le romancier a peut-être hérité de lui son goût prononcé pour les idées et les systèmes. Aîné de quatre enfants, Honoré marquera pour sa soeur Laure une prédilection partagée. De 1807 à 1813 il est pensionnaire chez les oratoriens de Vendôme, puis son père étant nommé à Paris dans l'administration des vivres, il fréquente deux institutions parisiennes (1814-1816).
Clerc chez un avoué, il commence son droit, suit des cours à la Sorbonne et se passionne pour la philosophie. Comme il affirme une "vocation littéraire", sa famille l'installe dans une mansarde et lui laisse tenter une expérience d'un an : le résultat est un "Cromwell" manqué (1821) ; en s'acharnant à écrire une tragédie en vers, Balzac fait fausse route.
1821 - 1825 - Il aborde alors un autre genre, le roman. Après deux essais sincères mais maladroits, il donne dans le goût du jour, pour gagner sa vie et publie sous un pseudonyme et en collaboration des romans d'aventures ; tâche ingrate mais précieuse pour la formation de sa technique. En 1822 il rencontre une femme beaucoup plus âgée que lui, Mme de Berny, qui l'encourage de son affection, de ses conseils, et l'initie aux moeurs et au goût de l'ancien régime.
Comme le succès tarde à venir, Balzac se lance dans les affaires : il s'associe à un libraire, puis achète une imprimerie. Il a ainsi l'occasion de fréquenter libraires-éditeurs, journalistes et écrivains ; son expérience personnelle lui inspirera plus tard une satire impitoyable des milieux de la presse et des lettres. Mais ses affaires aboutissent à un désastre financier : près de cent mille francs de dettes qui resteront pendant de longues années une lourde charge et un souci constant. De cet échec retentissant, il se consolera en édifiant dans ses romans des fortunes prodigieuses, d'ailleurs aussi fragiles que rapidement acquises.
1829 - 1841 Après sa faillite, Balzac reprend la plume, cette fois avec succès. Il donne en 1829 ses premières oeuvres réussies, "La Psychologie du mariage" qualifiée plus tard d' étude analytique, et "Les Chouans", roman historique où se mêlent une histoire d'amour et une intrigue policière. Dès lors les titres se multiplient à un rythme incroyable. En vingt ans Balzac va publier quelque 90 romans et nouvelles, 30 contes, 5 pièces de théâtre. Et il trouve encore le temps de fréquenter les salons, de voyager et d'échafauder cent moyens infaillibles de faire fortune.En 1832, il songe à une carrière politique, attiré un moment par les idées libérales, il professe maintenant des opinions monarchistes et catholiques et fonde sa doctrine sociale sur "l'autorité politique et religieuse. En janvier 1833 commence sa correspondance avec une admiratrice polonaise, Mme HANSKA (Lettres à l'Étrangère) ; à plusieurs reprises il retrouver son amie à l'étranger, en Suisse, en Saxe et en Russie.
Balzac a beaucoup écrit, dans tous les genres, sous tous les masques, et l'on a pas fini de repérer ce qui sortit alors de sa plume. Il a aussi beaucoup lu, se donnant, tardivement la culture indispensable. Il a aussi étudié la technique du métier qu'il s'est choisi. Nul n'a mieux que lui disséqué les oeuvres à la mode, celles de Walter Scott en particulier ; il a été imprimeur et journaliste ; il sait comment se fabrique et se lance un livre. En 1828, Balzac est un écrivain qui connaît son métier, un vrai professionnel. Il lui reste à prouver qu'il a aussi du talent. Les oeuvres qu'il publie alors et qu'il a pris le temps de méditer et travailler, sont signées du nom de Balzac ; il a trente ans.
DIVERSITÉ BALZACIENNE (1830-1835). De Gobseck au Père Goriot, la production de Balzac se présente sous quatre aspects :
1) Les romans philosophiques : La Peau de chagrin (1831), Louis Lambert (1832) Séraphita, La Recherche de l'absolu (1834)
2) Economique et Social : Le Médecin de Campagne, présenté également par l'auteur comme une oeuvre philosophique, (le roman figurera plus tard dans les Scènes de la vie de campagne).
3) Dans les "Contes drolatiques" (1832-1837) Balzac tente de faire revivre la "Verve Rabelaisienne".
4) Le Le Roman de Moeurs est représenté par de nombreuses Scènes de la vie privée, telles que Gobseck (1830), La Femme de trente ans (1831), Le Colonel Chabert, Le Curé de Tours (1832). C'est dans cette veine que Balzac, approfondissant son réalisme et créant des types humains puissamment dessinés, donne coup sur coup deux chefs-d'oeuvre : Eugénie Grandet (1833) et Le Père Goriot (1834-1835).
CRÉATION D'UN MONDE BALZACIEN (1835-1841). Dans "le Père Goriot" reparaissent pour la première fois des figures déjà connues du lecteur ; ce retour des personnages d'un roman à l'autre va permettre la composition d'une oeuvre cyclique. Balzac songe aussi à grouper ses scènes et études en un ensemble organisé qui serait une réplique de la société tout entière ; en 1837 il envisage le titre général "d' Études sociale". Cependant i1 continue d'accumuler les matériaux de cet édifice grandiose dont il entrevoit maintenant l'ordonnance : il publie "Le Lys dans la Vallée" (1835-1836), "Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau" (1837), "La Maison Nucingen" (1838), "Le Curé de Village", "Béatrix" (1839), "Ursule Mirouet" (18419). L'élaboration "d'Illusions perdues" s'étend de 1837 à 1843.
LA COMÉDlE HUMAINE (1842-1850) En 1842 Balzac choisit pour titre d'ensemble "LA COMÉDlE HUMAINE" ; il expose ses idées sur le roman et les principes directeurs de son oeuvre dans un important avant-propos. Ses romans sont répartis en Études de moeurs, de beaucoup les plus nombreuses. (Scènes de la vie privée, de province, parisienne, politique, militaire et de campagne), Etudes philosophiques et Études analytiques. Dans ces cadres viendront encore s'insérer "Les Paysans" (1844, Vie de campagne), "Modeste Mignon" (1844), "Le Cousin Pons" en 1846 et "La Cousine Bette" en 1847 (Les Parents pauvres, subdivision de la Vie parisienne), "Splendeurs et misères des courtisanes" (1838-1847).
En mars 1850 BALZAC. désormais riche et célèbre. peut enfin épouser Mme Hanska, veuve depuis 1841. Mais, épuisé par une prodigieuse activité cérébrale, il meurt trois mois après son retour à Paris, à cinquante et un ans, le 19 août 1850. Le romancier avait vécu si intensément dans l'univers créé par son imagination qu'il appela, dit-on, à son chevet d'agonisant, Horace Bianchon, le grand médecin de la Comédie humaine.