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1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 12:17

 

Pendant la guerre, engagé dans la Résistance, ÊLUARD participe au grand mouvement qui entraîne alors la poésie française. Le recueil "Poésie et Vérité" (1942) s'ouvre sur un Hymne à la Liberté qui reste l'un des chefs-d'oeuvre de la poésie de la Résistance. On y voit réapparaitre les formes traditionnelles de la litanie et du refrain : ELUARD redécouvre les lois de la poésie orale qui le conduisent à une sorte d' éloquence concise fort originale ; la musique mélodique des mots et de leurs rythmes reprend aussi tous ses droits.

 

******

 

Liberté

(extrait)

Poésie et Vérité  1942


 

Les textes qui forment ce recueil  (Poésie et Vérité) sont tous des poèmes de lutte. Ils doivent entrer dans la mémoire des combattants et soutenir l'espérance de la victoire : comme on le faisait pour les armes et les munitions, le poème Liberté à été, à l'époque, parachuté dans les maquis.

 

Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J' écris ton nom


Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J' écris ton nom


Sur les images dorées
 Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J' écris ton nom


Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J' écris ton nom


Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
 J' écris ton nom


Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J' écris ton nom


Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J' écris ton nom


Sur chaque bouffée d'aurore
 Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J' écris ton nom

 

 

LA COURBE DE TES YEUX

(avant dernier des nouveaux poèmes

de Capital de la douleur 1926)

Pour Gala...

 

 

La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.


Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,


Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

 


 

 

JE T'AIME

(tiré du recueil Phénix 1951)

Inspiré de l'amour pour Dominique

 

Je t'aime pour toutes les femmes que je n'ai pas connues
Je t'aime pour tous les temps où je n'ai pas vécu
Pour l'odeur du grand large et l'odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l'homme n'effraie pas
Je t'aime pour aimer
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'aime pas

Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien qu'une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd'hui
Il y a eu toutes ces morts que j'ai franchies sur de la paille
Je n'ai pas pu percer le mur de mon miroir
Il m'a fallu apprendre mot par mot la vie
Comme on oublie

Je t'aime pour ta sagesse qui n'est pas la mienne
Pour la santé
Je t'aime contre tout ce qui n'est qu'illusion
Pour ce coeur immortel que je ne détiens pas
Tu crois être le doute et tu n'es que raison
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.

 

 


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28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 14:00

1895  1952

 

 

http://www.bacdefrancais.net/eluardpaul.jpg

 

 

De l'amour à l'engagement politique en passant par le surréalisme, Eluard est le poète d'un espoir qui oscille entre le bonheur et le malheur.

 

A partir d'un monde statique, Eluard parvient, avec des verbes d'action (ouvrir, surgir, bouger, descendre...) et des images dynamiques, à donner un mouvement perpétuel à la poésie. Pour  la femme par exemple, il tente de pérenniser ses sentiments afin de rappeler ce qu'il y a d'éternel dans l'amour. En ce sens, "Poésie ininterrompue" (1946) plus qu'un titre de recueil, aurait pu être celui de toute son oeuvre.

 

 

Du "don d'aimer" à la poésie

 

Eugène Grindel (futur Paul Eluard) est né le 14 décembre 1895 à Saint Denis. En 1912, il interrompt ses études pour des problèmes de santé, et doit suivre une cure au sanatorium de Clavadel en Suisse. Condamné à l'immobilité, le jeune Eluard développe son goût pour la rêverie, la méditation et la littérature. C'est pendant ces mois de convalescence qu'il rencontre Gala dont il sera l'amant, puis l'époux, pendant dix-sept ans. Avec elle, il découvre une sensibilité particulière à l'égard de la femme et un besoin viscéral d'amour, omniprésent dans sa poésie. Un amour tendre, doux, où la femme peut être associée à l'eau (Facile,1935) comme si le poète voulait retrouver le bien-être du foetus dans le ventre maternel.

Que ce soit avec Gala (à gauche) ou Nusch (Maria Benz, la femme de sa http://t3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSSvJhhdZiDnbNQXGstSO89XfoKxR-2cRRO6NApiCmFz4blhvXngAvie à droite), "le http://t0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTeWIcndvbNr53KFIR2k0FTxnFzPyoFe1G7HsetDpyaWj-9bjUoegbonheur de l'amour conquis grâce au pouvoir de la femme entraîne l'esprit d'Éluard très au-dessus des circonstances et lui permet de dégager et d'illustrer l'idée de la pérennité du monde pour lequel la femme a vocation." (Louis Perche). Sans ce "don d'aimer" et la féminité (qu'il faut considérer comme une vertu), Éluard n'aurait peut-être jamais écrit, en novembre 1946, après la mort de Nusch : "Je n'ai rien séparé mais j'ai doublé mon coeur / D'aimer j'ai tout créé : réel, imaginaire." (En vertu de l'amour). En 1949, Éluard rencontre Dominique Lamort, sa dernière femme, qui l'accompagnera jusqu'à sa mort.


L'expérience surréaliste


En octobre 1924 s'ouvre "le bureau des recherches surréalistes" auquel Eluard est un des premiers à adhérer.
Comme on peut le lire dans le Manifeste, l'écriture surréaliste "est une dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale". Mais se voulant l'héritier de la tradition poétique française, l'auteur du "Dur Désir de durer", bien que principal membre du groupe littéraire, reste un peu à l'écart des autres adhérents car, pour lui, seuls les écrits comptent. Néanmoins, si Éluard croit au surréalisme, c'est parce qu'à cette époque (il a vingt-neuf ans) il est à la recherche d'un langage, d'une science du mot, et cette révolution poétique lui fournit des techniques de rénovation verbale qui permettent à son style de s'épanouir et de trouver sa voie. Même s'iI accepte de s'engager, Éluard refuse fermement les doctrines, sans doute trop sclérosantes, et c'est pour cette raison qu'iI quitte le groupe en 1934. Éluard s'engage alors pour un idéal de vie, toutefois lié au surréalisme car, comme ses condisciples, iI est convaincu "qu'il faut aboutir à une nouvelle déclaration des droits de l'homme".


L'engagement pour la liberté


Depuis 1933, Hitler est chancelier du Reich ; en 1936, la guerre d'Espagne débute et, en 1937, le village de Guernica est massacré par l'aviation allemande. A dater de ces événements tragiques, Éluard ne se contente plus de célébrer l'amour avec une langue nouvelle et moderne. Sa poésie devient un chant de liberté et de combat. Dans "Livre ouvert" (1942), iI dresse le bilan de ce qui a été détruit, perdu ; puis "Poésie et vérité" (1942/1943), qui contient le fameux poème "Liberté", devient le bréviaire de la Résistance. Comme l'écrit Luc Decaunes, "sa foi dans l'homme n'a jamais été aussi forte". II se réinscrit au parti communiste, et ses écrits deviennent presque une chronique de la guerre. A partir de 1945, son engagement politique prend une place de plus en plus importante, tant dans sa vie que dans ses écrits. Comme celle d'Aragon, sa poésie devient un symbole de liberté. Jusqu'à sa mort en 1952, il conserve sa volonté d'engagement et le respect de l'homme qui lui fait écrire, dès 1936 : "Le temps est venu où tous les poètes ont le droit et le devoir de soutenir qu'ils sont profondément enfoncés dans la vie des autres hommes, dans la vie commune."


Une poésie vivante


"La poésie est dans la vie", écrit Éluard dans "Les Sentiers et les routes de la poésie". On comprend pourquoi le poète s'attache à reproduire les mouvements de la vie en allant directement à l'essentiel. Rien n'est plus détestable pour lui que le langage poétisé, et les mots trop beaux ou trop rares sont bannis de son vocabulaire. L'absence de ponctuation et I'organisation de ses poèmes répondent à la personnalité de sa pensée. On peut lire dans "Le Temps déborde" (1946) : "Il m'est donné de voir ma vie finir / Avec la tienne..." Par le détachement du second vers (qui aurait pu être incIus dans le premier), Éluard marque I'importance de l'autre. Ainsi, le pronom possessif  "tienne" résonne plus et montre la contingence de la vie d'Éluard par rapport à celIe de Nusch, morte depuis peu. Tous ses textes, aussi bien les poèmes d'amour que les poèmes politiques, ressemblent plus à des reproductions qu'à des compositions ; il réinvente le monde réel avec sa sensibilité, son regard. Pour lui, la vie n'est pas poétique, mais la poésie devient vivante.

 

  Eluard et les peintres

 

On ne saurait trop insister sur l'importance des amitiés nouées entre Éluard et la plupart des peintres contemporains. La publication de son importante "Anthologie des écrits sur I'art" (1952-1954) en témoigne. Il peut être intéressant de noter, parmi les innombrables artistes qui ont iIIustré des oeuvres d'Êluard ou collaboré avec le poéte, les noms d'Arp, Bellmer, Braque, Chagall, Chirico, Clergue, Dali, Delvaux, Ernst, Fautrier, J. Hugo, V. Hugo, Labisse, Léger, Lhote, Magritte, Man Ray, Marcoussis, Masson, Miró, Picasso, Tanguy, Villon. etc.

 

Véritable florilège, comme on voit, de la peinture française au XX ème siècle. Il serait également intéressant de noter qu'en plus de nombreux articles critiques ou préfaces à des catalogues d' exposition, Éluard a dédié de nombreux poèmes à des amis peintres (Ernst, Picasso, Chagall, Chirico. Masson, Klee, Braque, Miró, Arp, Delvaux, etc.). Il serait d' ailleurs plus exact de dire qu' il a tenté, par le moyen de la poésie, de recréer le monde de certains peintres, dans des << répétitions >> où chacun, le peintre et le poète, parle son langage propre, le même. On pourra voir à ce sujet le poème << Marc Chagall >>  (1947) et <<Picasso, bon maitre de la liberté>> (1948), ainsi que le volume des peintures d'Ernst iIIustrées par Éluard (Max  Ernst, peintures pour Paul  Eluard. Paris, Denoël. 1969).

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28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 13:16

 

Un adolescent et une jeune femme dont le mari est au front vivent pendant la première guerre mondiale une passion intense. La jeune femme meurt, mettant un terme à cet amour d' enfants.

 

L'adultère de Marthe


La première guerre mondiale a commencé. Pour le narrateur, c'est le début des grandes vacances. Il rencontre Marthe, une jeune fille fiancée par raison. Bientôt Marthe se retrouve seule, tandis que Jacques, devenu son mari, est parti se battre. Entre elle et le jeune garçon, un amour naît, total de la part de Marthe, mi-cynique, http://ecx.images-amazon.com/images/I/51DX9S8ZQ2L._BO2,204,203,200_PIsitb-sticker-arrow-click,TopRight,35,-76_AA300_SH20_OU08_.jpgmi-sincère de la part du narrateur. Ils deviennent amants. Bien qu'il  soit rival de celui-là, le jeune garçon tente d'atténuer l'inconsciente cruauté dont Marthe fait preuve à l'égard de son mari, et d'adoucir le ton des lettres qu'elle lui envoie. Lui-même ne sait trop que penser de son amour. S'achèvera-t-il, comme le font beaucoup de passions, dans l'indifférence ? Le destin en décidera autrement. Marthe annonce à son amant qu'elle attend un enfant ; un enfant de lui, l'adolescent de seize ans. Pour sauver la respectabilité de la famille, on laisse croire au mari de Marthe qu'il est le père de l'enfant à naître. Mais lorsque Marthe meurt des suites de l' accouchement, c' est encore son amant qu'elle appelle et non son fils, qui porte le même prénom. Jacques, le mari attentionné et trompé, restera jusqu'au bout persuadé que sa femme l'aimait. Il élèvera "son" fils. Le narrateur, "repris en main" par sa famille, conclut significativement : "Je compris que l'ordre, à la longue, se met lui-même autour des choses."


"Nous étions des enfants..."


"Nous étions des enfants debout sur une chaise, fiers de dépasser d'une tête les grandes personnes. Les  circonstances nous hissaient, mais nous restions incapables". La jeunesse des deux personnages qu'anime un amour passionné est sans doute ce qui rend poignant ce roman très court, devenu vite un classique. Elle justifie dans une certaine mesure la cruauté de l'une, l'amoralisme de l'autre. La complaisance et la lucidité avec lesquelles le narrateur dissèque sa propre veulerie trahissent cependant un tempérament précoce et complexe. Mais la révélation finale qu'il a de son amour pour Marthe vient transfigurer brutalement ses faiblesses de caractère. Le style est clair, épuré. "Le Diable au corps" est un très beau roman d'analyse, un roman de l'amour et de l'adolescence.

 

L' on retrouve en arrière- plan du roman de Radiguet une critique sociale du milieu bourgeois (petit-bourgeois en l' occurrence), critique faite également par certains auteurs de la même époque tel André Gide. Le conformisme, la bassesse des habitants de la petite commune des bords de Marne qui a tout d' une petite ville de province sont brossés avec la cruauté d' un adolescent de dix-sept ans.

 

Extraits :

 

Quand elle dormait ainsi, sa tête appuyée contre un de mes bras, je me penchais sur elle pour voir son visage entouré de flammes. C' était jouer avec le feu. Un jour que je m' approchais trop sans que pourtant mon visage touchât le sien, je fus comme l'aiguille qui dépasse d' un millimètre la zone interdite et appartient à l' aimant. Est-ce la faute de l' aimant ou de l' aiguille ? C' est ainsi que je sentis mes lèvres contre les siennes. Elle fermait encore les yeux, mais  visiblement comme quelqu'un qui ne dort pas. Je l'embrassai, stupéfait de mon audace, alors qu' en réalité c' était elle qui, lorsque j' approchais de son visage, avait attiré ma tête contre sa bouche. Ses deux mains s'accrochaient à mon cou ; elles ne se seraient pas accrochées plus furieusement dans un naufrage. Et je ne comprenais pas si elle voulait que je la sauve, ou bien que je me noie avec elle.

 

                      ***


Où dormir ?


(...) II nous fallait donc coucher à l' hôtel. Je n'y étais jamais allé. Je tremblais à la perspective d' en franchir le seuil.
L' enfance cherche des prétextes. Toujours appelée à se justifier devant les parents, il est fatal qu' elle mente. Vis-à-vis même d' un garçon d' hôtel borgne, je pensais devoir me justifier. C' est pourquoi, prétextant qu' il nous faudrait du linge et quelques objets de toilette, je forçais Marthe à faire une valise. Nous demanderions deux chambres. On nous croirait frère et soeur. Jamais je n' oserais demander une seule chambre, mon âge (l' âge où l'on se fait expulser des casinos) m' exposant à des mortifications.


                      ***


Un jour, à midi, mes frères revinrent de l'école en nous criant que Marthe était morte.
La foudre qui tombe sur un homme est si prompte qu' il ne souffre pas. Mais c' est pour celui qui l'accompagne un triste spectacle. Tandis que je ne ressentais rien, le visage de mon père se décomposait. (...). Moi, j' avais la sensation de durcir, de refroidir, de me pétrifier. Ensuite, comme une seconde déroule aux yeux d' un mourant tous les souvenirs d' une existence, la certitude me dévoila mon amour avec tout ce qu'il avait de monstrueux. Parce que mon père pleurait, je sanglotais. Alors, ma mère me prit en mains. Les yeux secs, elle me soigna froidement, tendrement, comme s' il se fût agi d' une scarlatine.
Ma syncope expliqua le silence de la maison, les premiers jours, à mes frères. Les autres jours, ils ne comprirent plus. On ne leur avait jamais interdit les jeux bruyants. Ils se taisaient. Mais, à midi, leurs pas sur les dalles du vestibule me faisaient perdre connaissance comme s' ils eussent dû à chaquefois m' annoncer la mort de Marthe. Marthe ! Ma jalousie la suivant jusque dans la tombe, je souhaitais qu'il n'y eût rien après la mort. (...) Mon coeur était à l'âge où l'on ne pense pas encore à l'avenir. Oui, c'est bien le néant que je désirais pour Marthe, plutôt qu'un monde nouveau où la rejoindre un jour.

 

Notes :

 

A sa sortie en 1923, "Le Diable au corps" provoqua un scandale,en raison de la jeunesse des protagonistes, mais surtout en raison du manque de respect que l'on y lisait à l'égard des vaillants combattants du conflit mondial encore tout proche. Le roman semblait justifier l'adultère de Marthe, dont le mari se battait au front. L'on retrouve la trace de ce sentiment dans les critiques de l'époque, bien que leurs auteurs s'inclinent par ailleurs devant la prouesse du jeune romancier :

 

"Il ne faut pas hésiter à reconnaître le talent exceptionnel de M. Radiguet. En vérité, de la part d'un auteur de  dix-sept ans, ce roman est un prodige. (...) Presque nulle page où ne brille une interprétation, un don pour l'analyse morale, une maîtrise de style, une discrétion dans l'emploi de magnifiques moyens, cent mérites littéraires que l' on estimerait bien rares chez un homme qui aurait quinze ans de plus. (...) [M. Radiguet] entre dans la littérature avec éclat, par un maître livre, mais qui est une mauvaise action (...)."
- Revuefrançaise


Toute trace de scandale a disparu des jugements à l'heure actuelle ; reste seulement l'admiration.

Claude-Edmonde Magny parle de "cet apax, cette oeuvre irrecommençable qu'est Le Diable au corps, où Radiguet a brûlé d'avance, sur un rythme accéléré qui fait songer au Rimbaud des "Illuminations", toutes les étapes d'une longue vie amoureuse..."

 

 

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15 octobre 2010 5 15 /10 /octobre /2010 16:59

 

Une femme mariée refuse l'évidence d'une passion naissante pour un jeune homme, passion à laquelle elle finira par se donner entièrement.

 

A la différence du "Diable au corps", Radiguet a écrit ici un roman d'analyse dont le but, de l'aveu même de l'auteur , était d'imiter "La Princesse de Clèves".

 

Un amour impossible

 

http://images-eu.amazon.com/images/P/2277301566.08.MZZZZZZZ.gifLe comte d'Orgel ayant présenté à sa femme Mahaut le jeune François de Seyreuse, celle-ci ne prend pas garde à l'ydille qui, inconsciemment se noue entre eux jour après jour. S'étant aperçue de la transformation intervenue dans sa relation avec le jeune homme, Mahaut  D'Orgel s'en effraie et assiste, impuissante, à l'avènement d'un sentiment qui s'avère un jour être une véritable passion dont elle ne peut se défaire. La vérité est cruelle : elle, la femme mariée, épouse d'un comte, aime un autre homme, plus jeune. Celui-ci doit assister à un bal costumé que donnent le comte et la comtesse. Terrifiée par cette éventualité, Mahaut va même jusqu'à se compromettre en écrivant à la mère de François, et tente d'expliquer à son mari son impossible passion.Devant l'incompréhension de celui-ci, elle lui dévoile la vérité la veille du bal. Mais face à l'incrédulité du comte comme aux obligations de la vie mondaine, elle ne peut empêcher la présence de François et se résoud même à lui choisir son costume à la demande du comte, son mari.

 

Un écrivain précoce

 

Publié en 1925 dans un recueil intitulé "Les Joues en feu" et présentant deux romans et des poèmes, "Le Bal du comte d'Orgel" est un roman d'analyse à la différence du "Diable au corps" qui était, lui, un roman de confessions autobiographiques. Beaucoup plus psychologique, "Le Bal du comte d'Orgel" se veut la traduction moderne de "La Princesse de Clèves", la seule différence étant que le comte d'Orgel ne mourrait pas et que sa femme Mahaut d'Orgel ne se retirera pas du monde.

Le développement de cette intrigue est marqué et souligné par le style parfaitement maîtrisé de Radiguet qui donne au roman une acuité peu égalée, tant l'intensité de la passion est retransmise au lecteur dans des conditions rarement atteintes dans la longue histoire du roman d'analyse. La cruauté psychologique de cette passion est si bien exprimée par Radiguet qu'elle laisse à penser que l'auteur, mort à vingt ans de la typhoïde, n'a pu nous laisser qu'entrevoir le meilleur de lui-même, interrompant prématurément une carrière littéraire qui aurait certainement été des plus marquantes.

 

Extraits :

 

François de Seyreuse vient de rencontrer le comte et la comte d'Orgel

 

De temps en temps, quand il sentait qu'elle ne pouvait le surprendre, François jetait un coup d'oeil sur Mme d'Orgel. Il la trouvait belle, méprisante et distraite. Distraite, en effet ; presque rien n'arrivait à la distraire de son amour pour le comte. Son parler avait quelque chose de rude. Cette voix, d'une grâce sévère, apparaissait rauque, masculine aux naïfs.  Plus que les traits, la voix décèle la race (...)

François appréciait mal ce qu'avait de romanesque sa rencontre avec les Orgel.

 

                        ****

 

Malgré leur entente, un certain trouble plane sur le couple

 

Toute la soirée, Anne d'Orgel fut dans le vague. Mahaut était distraite. Pour être heureuse de ce tête-à-tête, il fallait qu'elle pensât à l'être. Ils se parlèrent peu. Cependant Mme d'Orgel ne s'effrayat pas de l'état particulier où elle se trouvait, car elle estimait naturel d'être à l'unisson avec Anne. Or la distraction d'Anne venait de ce que seul avec sa femme, il glissait vers la mélancolie. Ce n'était pas la faute de son coeur, mais Anne d'Orgel n'était  à l'aise que dans une atmosphère factice, dans  des pièces violemment éclairées, pleines de monde.

 

                        ****

Mahaut d'Orgel se rend compte de son amour pour François de Seyreuse

 

Ayant jusqu'ici mené de front le devoir et l'amour, elle avait pu imaginer, dans sa pureté, que les sentiments interdits sont sans douceur. Elle avait donc mal interprété le sien envers François, car il lui était doux. Aujourd'hui ce sentiment, couvé, nourri, grandi dans l'ombre, venait de se faire reconnaître. Mahaut dut s'avouer qu'elle aimait François.

Dès qu'elle se fut prononcé le mot terrible, tout lui sembla clair. L'équivoque des derniers mois se dissipa. Mais après trop de clair-obscur, ce grand jour l'aveuglait. Bien entendu, elle ne pensait pas à regagner ses brumes ; elle eût voulut agir sur l'heure, mais ne savait comment et à qui demander conseil. Tour à tour, cette abandonnée regardait Anne et François.

 

Notes :

 

L'arrivée de Radiguet dans le monde littéraire a été comme une explosion : << avec le Bal du comte d'Orgel, publié à titre posthume l'année suivante, la preuve était faite : grâce à un garçon mort à vingt ans, on se croyait en mesure de saluer l'avènement d'un nouveau classicisme. En prenant si ostensiblement Mme de La Fayette pour modèle, Radiguet tournait le dos non seulement au romantisme et à toutes ses séquelles, mais aux tendances les plus modernes de la littérature des vingt premières années du siècle >>.

David Noakes : Raymond Radiguet - Pierre Szeghers - 1952 

 

Certains ont critiqué la reprise de "La Princesse de Clèves" : << On a beaucoup discuté sur la nature et la valeur de cette imitation. On a d'abord voulu y voir le  signe d'un affaiblissement, sinon d'un tarissement total de la force créative du romancier. Comme si l'imitation était preuve de faiblesse. Valéry, qui avait aimé le premier roman de Radiguet, aurait pu répondre à ses détracteurs par sa phrase de "Tel quel *" : "Rien de plus original, rien de plus soi que de se nourrir des autres ; le lion est fait de mouton assimilé>>.

Clément Borgal - Radiguet, Classique du XX ème siècle - Edition Universitaires - 1969

 

    Recueil de réflexions sur des sujets très divers. Extraites des carnets tenus par Paul Valéry de 1890 à 1925, elles étonnent par leur forme particulièrement achevée.


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14 octobre 2010 4 14 /10 /octobre /2010 11:54

 

1903  1923

 

 

D'après "Biographie  Anovi" par Marc NADAUX

 

Raymond Radiguet naît le 18 juin 1903 à Saint-Maur-des-Fossés, dans la banlieue est de Paris. Aîné d’une famille de sept enfants, il est le fils d’un caricaturiste en vogue, dont les dessins sont notamment publiés dans le journal satirique "L’Assiette au Beurre". L’enfant entre bientôt en 1909 à l’école communale et y obtient pendant les années qui suivent de brillants résultats. Il poursuit ensuite sa scolarité au Lycée Charlemagne de Paris à partir de 1913. Celle-ci ne se déroule pas sans problèmes. Raymond Radiguet multiplie les absences et cette assiduité à l’école buissonnière compromet sa réussite scolaire. Il parcourt également la bibliothèque familiale lors de fréquentes lectures.

http://ganeshabreizh.unblog.fr/files/2007/02/raymondradiguet.jpgDans le train qu’il a coutume de prendre pour s’en revenir du lycée, l’adolescent rencontre en avril 1917 Alice, une jeune femme mariée quelques temps auparavant à un soldat permissionnaire. Celle qui inspirera à son auteur le personnage de Marthe dans "Le Diable au corps" s’éprend bientôt de l’adolescent. Celui-ci se lance à cette époque dans la rédaction de quelques vers. Grâce aux relations de son père, quelques-unes de ses œuvres, signées " Raymond Rajky ", sont bientôt publiées dans la presse parisienne en 1918. Un conte intitulé "Galanterie française" paraît ainsi le 6 juin dans "Le Canard enchaîné", puis "Poème" dans le numéro du mois de juin du périodique Sic.

Raymond Radiguet fait alors la rencontre de Max Jacob puis celle de Jean Cocteau. Une amitié passionnée se noue alors entre l’adolescent et l’écrivain. Ce dernier l’introduit dans les milieux parisiens. Raymond Radiguet fréquente ainsi assidûment les terrasses des cafés du quartier Montparnasse puis le tout-Paris. Il poursuit également sa collaboration avec quelques journaux, rédigeant des articles pour "L’Éveil" ou "L’Heure"" avant de s’attacher au secrétariat de la rédaction du "Rire". L’adolescent collabore ensuite en 1919 à "Dada" puis à "Littérature", des revues de l’avant-garde littéraire. Le 8 juin de la même année, Max Jacob l’invite à réciter quelques vers lors de la matinée poétique organisée en l’honneur d’Apollinaire, le poète décédé l’avant-veille de l’armistice. Tandis qu’il se détache peu à peu d’Alice, Raymond Radiguet écrit les premières lignes d’un roman. 


Le jeune homme, dans l’entourage de Cocteau, poursuit son existence parisienne de dilettante. Ensemble et avec l’aide de quelques amis dont les compositeurs Satie et Poulenc, ils fondent une revue, "Le Coq", qui paraît l’espace de quelques mois, de mai à novembre 1920. Il se lie bientôt avec Béatrice Hastings, l’ancienne modèle et amie du peintre Modigliani. Commence alors une liaison orageuse qui durera deux années. Après avoir rédigé une comédie, "Les Pélican"", Raymond Radiguet prend part à la création d’un opéra-comique, "Paul et Virginie", à laquelle participe également Jean Cocteau. Le décès d’Éric Satie met un terme à ce projet. Au mois de mai de l’année suivante, "Le Gendarme incompris", fruit de la collaboration des deux amis avec Francis Poulenc, est présenté au public au théâtre Michel. Radiguet fait ensuite un séjour à Carqueiranne pendant lequel il écrit "Denise", une nouvelle. Puis, en villégiature au Piquey, dans le bassin d’Arcachon, l’écrivain progresse dans la rédaction de son roman.

Un recueil de poèmes intitulé "Devoirs de vacance" est publié en 1921. Le 3 mars de l’année qui suit, Cocteau fait à Bernard Grasset la lecture du roman "Le Diable au corps", en présence de son jeune auteur intimidé. L’éditeur s’attache Raymond Radiguet par contrat mais lui demande néanmoins de retravailler son œuvre. Avec les conseils de son ami Cocteau, l’écrivain s’attèle bientôt à la tache tout en réfléchissant au sujet d’un autre roman, "Le Bal du comte d’Orgel". Il collabore également au "Gaulois" et aux "Feuilles libres".

 

Le 10 mars 1923, "Le Diable au corps" sort enfin en librairie dans un parfum de scandale. Ce roman fait en effet la relation des amours adultérines d’une jeune femme mariée à un soldat qui combat sur le front avec un adolescent de son voisinage. Grasset crée l’événement grâce à un important soutien publicitaire qui accompagne les premières ventes du roman et par lequel il met en exergue le jeune âge de son auteur. Celui-ci rédige un article publié dans "Les Nouvelles littéraires", expliquant au public son œuvre. C’est un énorme succès commercial. En quelques mois, 46.000 exemplaires sont vendus. Le 15 mai suivant, son auteur se voit récompensé du prix du Nouveau-Monde. 

Raymond Radiguet s’installe alors à l’hôtel Foyot, rue de Tournon, en compagnie de Bronia Permutter. Poursuivant son existence de dandy, il fréquente toujours la bohème littéraire et le cabaret "Le Bœuf sur le Toit", inauguré le 10 janvier 1922 et qui devient un des hauts lieux des nuits parisiennes, rive droite . De nouveau en vacances sur la côte d’Azur avec ses amis pendant la saison estivale, il s’attache à la reprise du "Bal du comte d’Orgel". L’écrivain classe également ses poèmes afin d’en préparer une édition complète intitulée "Les Joues en feu" pour laquelle il rédige une préface. De retour à Paris, les relations de son éditeur lui permettent de surseoir jusqu’au mois de décembre au conseil de révision auquel il est astreint.

 

Cependant, Raymond Radiguet est souffrant. Il doit bientôt garder le lit et on s’aperçoit alors de la gravité de son état. L’écrivain est atteint de la fièvre typhoïde. Il décède le 12 décembre 1923 dans une clinique parisienne à l’âge de vingt ans. En juillet 1924, paraît son deuxième et dernier roman.

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12 octobre 2010 2 12 /10 /octobre /2010 13:22

 

L'extraordinaire épopée de la prolifique famille des Buendia qui, un jour, fonda le village de Macondo.

 

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51SBQFNPYAL._SL500_AA300_.jpgLa guerre des libéraux contre les conservateurs, qui est l'une des trames du récit, est basée sur un épisode réel de l'histoire de la Colombie. Les guerres civiles prirent fin en 1901. Toute une jeunesse libérale, formée dans le culte de Garibaldi* et du radicalisme français, y avait été décimée en montant à l'assaut avec chemises et drapeaux rouges.

 

* http://fr.wikipedia.org/wiki/Giuseppe_Garibaldi

 

 

Naissance, vie et mort d'un village et de ses habitants

 

A la suite d'un duel d'honneur au cours duquel il a tué son adversaire, hanté par le fantôme de celui-ci, José Arcadio Buendia, accompagné de sa femme Ursula, quitte son village. Au bout de deux ans d'errance, ils fondent Macondo. La vie de ce village est alors ponctuée par les évènements les plus tragiques ou les plus invraisemblables : le village est investi par des gitans qui dérangent l'ordre de la famille des Buendia par leurs prodigieuses inventions. Puis, avec les premiers moyens de communication, la peste de l'insomnie réduit ses habitants à l'apathie. Ensuite viennent la guerre dévastatrice des libéraux -  dont le colonel Aureliano Buendia, fils des fondateurs, se fait le chef contre les conservateurs - , l'arrivée des étrangers, l'implantation de lieux de perdition et les grèves syndicales avec la fondation de la compagnie bananière et les premières liaisons ferroviaires, enfin la longue période des pluies et la dévastation du village, sa disparition, ainsi que celle du dernier membre de la famille, sous un fantastique ouragan. Au cours de ces quelques cent ans d'histoire, c'est aussi la vie de Buendia à laquelle il nous est donné de participer.

 

L'éternel recommencement

 

Deux traits prédominants semblent caractériser cette oeuvre. Premièrement, un extraordinaire don de conteur permet à l'auteur de mêler histoire nationale ou régionale à histoire intime ou familiale, réalisme social et fantaisie ou fantasmagorique personnelle, au sein d'un texte souvent qualifié de "réalisme magique", dont la rapidité et la richesse captivent le lecteur. Deuxièmement, et ceci n'est pas séparable du premier aspect que nous avons souligné, l'auteur articule la multitude des aventures dont il fait la narration sur une réflexion sur le temps, soulignant que, par au-delà les différences et les variations, le devenir des hommes semble lié à la répétition, au recommencement. Là encore, la verve de l'auteur lui permet de mêler histoire et éternité.


Extraits :

 

Le portrait d'un libéral

 

Le colonel Aureliano Buendia fut à l'origine de trente-deux  soulèvements armés et autant de fois vaincu. De dix-sept femmes différentes, il eut dix-sept enfants mâles qui furent exterminés l'un après l'autre dans la même nuit, alors que l'aîné n'avait pas trente-cinq ans. Il échappa à quatorze attentats, à soixante-trois embuscades et à un peloton d'exécution. Il survécut à une dose massive de strychnine versée dans son café et qui eût suffi à tuer un cheval. Il refusa l'Ordre du Mérite que lui décernait le président de la République. Il fut promu au commandement général des forces révolutionnaires, son autorité s'étendant sur tout le pays, d'une frontière à l'autre, et devint l'homme le plus craint des gens au pouvoir, mais jamais il ne permit qu'on le prît en photographie.

 

Le cercle vicieux du temps

 

José Arcadio le Second continuait à relire les parchemins.  Rien n'était plus discernable dans la broussaille touffue de son système pileux que ses dents hachurées de vert-de-gris et ses yeux immobiles. En reconnaissant la voix de son arrière-grand-mère, il tourna la tête vers la porte, essaya de sourire et, sans  le savoir, répéta une ancienne phrase d'Ursula.

- Que voulez-vous, murmura-t-il, le temps passe.

- C'est un fait, répondit Ursula, mais pas à ce point là.

En disant ces mots, elle se rendit compte qu'elle était en train de lui adresser la même réplique qu'elle avait reçue du colonel Aureliano Buendia dans sa cellule de condamné et, une fois de plus, elle fut ébranlée par cette autre preuve que le temps ne passait pas - comme elle avait fini par l'admettre - mais tournait en rond sur lui même.

 

La fin d'un règne

 

Macondo était déjà un effrayant tourbillon de poussière et de décombres centrifugé par la colère de cet ouragan biblique, lorsque Aureliano sauta onze pages pour ne pas perdre de temps avec des faits trop bien connus, et se mit à déchiffrer l'instant qu'il était en train de vivre, le déchiffrant au fur et à mesure qu'il le vivait, se prophétisant lui-même en train de déchiffrer la dernière page des manuscrits, comme s'il se fût regardé dans un miroir de paroles. Alors il sauta encore des lignes pour devancer les prophéties et chercher à connaître la date et les circonstances de sa mort. Mais avant d'arriver au vers final, il avait déjà compris qu'il ne sortirait jamais de cette chambre, car il était dit que la cité des miroirs (ou des mirages) serait rasée par le vent et bannie de la mémoire des hommes à l'instant où Aureliano Babiliona achèverait de déchiffrer les parchemins, et que tout ce qui était écrit demeurait depuis toujours et resterait à jamais irrépétible, car aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n'était pas donné sur terre de seconde chance.


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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 12:04

1927

 

 


http://www.babelio.com/users/AVT_Gabriel-Garcia-Marquez_2785.pjpeg  

                                                                                     

Gabriel José de la Concordia García Márquez est un  écrivain Colombien né le 6 mars 1927  en Colombie.  Romancier, journaliste et activiste politique, il obtient le prix Nobel de littérature en 1982. García Márquez, plus connu sous le nom de « Gabo » en Amérique Latine, est un des auteurs les plus significatifs du  XX ème siècle.


  http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel_Garc%C3%ADa_M%C3%A1rquez

 

Le village de Macondo, qui sert de cadre à nombre de ses écrits, est une image transposée de son village natal et bien des personnages reparaissent d'un roman à l'autre, constituant peu à peu  un univers orignal :  "La Feuillée (1955), Pas de Lettres pour le colonel (1961), La Mauvaise heure (1962), Les Funérailles de la mama grande (1962).

 

Le thème prend une dimension quasiment mythique, toujours dans le cadre de Macondo, avec la  biographie du colonel Buendia et de sa "tribu", qui sert de fil directeur à "Cent ans de solitude" (1968) : la vie quotidienne et le surnaturel, le rêve et la réalité, l'imagination et la vie  rurale s'associent pour créer un microcosme fantastique et donner un raccourci de l'histoire de l'humanité.

 

D'autres récits sont venus,  après ce chef-d'oeuvre, confirmer le talent de Garcia Marquez : Récit d'un naufragé (1972), Un Monsieur très vieux aux ailes énormes (1962),  et la force de sa critique politico-social : l'Automne du patriarche (1975).

 

"Chronique d'une mort annoncée" publié en 1981, à pour thème l'histoire d'un meurtre  en 1951, à Sucre dans le Nord Ouest de la Colombie. L'intrigue du roman tourne autour de l'assassinat de Santiago Nasar. Le  narrateur joue le rôle d'un détective qui découvre les éléments de ce meurtre seconde par seconde . Le critique littéraire Rubén Pelayo note que « l'histoire se déroule de manière inversée. Au lieu d'aller de l'avant (...) l'intrigue se déroule en arrière » En effet, dans le premier chapitre, le narrateur explique exactement au lecteur qui a tué Santiago Nasar, le reste du livre cherchant à expliciter les raisons de ce meurtre. Ce roman a été adapté au cinéma par Francesco Rosi en 1987.

 

L'amour au temps du choléra" est l'histoire d'un Amour de 50 ans, durant tout ce temps un homme attend la femme qu'il aime, mariée à un autre.

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10 octobre 2010 7 10 /10 /octobre /2010 12:21

 

 

1914  -  1996

 

Marguerite Duras, nom de plume de Marguerite Germaine Marie Donnadieu, est une écrivaine et cinéaste  française, née le  4 avril 1914 à Gia Dinh ( Saïgon), alors en  Indochine, morte le  3 Mars 1996 à Paris.

 

Marguerite Duras arrive à Paris à dix-huit ans. Elle y poursuit des études de droit, de mathématiques et enfin de sciences politiques. Elle y rencontrera Robert Antelme, son premier mari. Puis, en 1942, Dyonis Mascolo dont elle aura un fils. Elle adhère au parti communiste, mais le quittera par la suite. Sa vie se confond alors avec la littérature.

 

duras0001Maguerite Duras a été profondément marquée par son enfance en Indochine : "Un barrage contre le Pacifique" (1950), "Le Vice-consul" (1965),  "Eden-Cinéma" (pièce créée en 1977). L'intrigue, les descriptions comptent moins, pour elle, que l'attente << que quelque chose sorte du monde >>, et les dialogues, abondants ou énigmatiques, qui meublent cette attente. Les mots eux-mêmes, parfois réduits à de simples cris, sont de peu d'importance, à côté de l'exigence d'amour, d'un amour fou et déchirant qui imprègne toute son oeuvre : "Dix heures et demie du soir en été" (1960), "Moderato cantabile" (1958),"Détruire dit-elle" (1969). Mais l'impossibilité de communiquer finit par triompher et par réduire les personnages au silence. On doit à Marguerite Duras, pour qui il n'existe pas de différence entre roman, théâtre et cinéma, quelques-uns des films les plus marquants de notre temps : Hiroshima mon amour (1959), Une aussi longue absence (1961), et surtout lndia Song (1975)  Son Nom de Venise dans Calcutta désert, (1976), Le Camion (1977).

 

http://histoireduroussillon.free.fr/Duras/Biographie.php

 

 

                      ****

 

Un barrage contre le Pacifique


 

http://www.google.fr/url?source=imgres&ct=img&q=http://s.excessif.com/mmdia/i/93/9/3658939kdjdx.jpg%3Fv%3D1&sa=X&ei=h1jETNrqFtvPjAev4oG7BQ&ved=0CAQQ8wc4Ag&usg=AFQjCNF5Nc9Pszc9GinpXyzNLydxuAjNbwEn lndochine, une femme tente de mettre en valeur une terre régulièrement envahie par les eaux du Pacifique.

 

"Un désert de sel et d'eau"


Dans l'lndochine française, une mère lutte pour survivre face à l'injustice d'une existence dévastée. Institutrice, la mère de Suzanne et de Joseph s'est laissée séduire par la propagande colonialiste et a quitté le Nord de la France avec son mari. Les premières années de sa vie se sont écoulées, heureuses et presque insouciantes. Mais à la mort de son mari, "la mère" se retrouve totalement démunie, sans autre ressource que de jouer du piano le soir à I'Eden cinéma. Après des années ingrates, elle place toutes ses économies dans l'achat d'une concession qu'elle s'acharne en vain à cultiver. Une administration abjecte s'est jouée de sa naïveté. Chaque année, l'océan déferle sur la terre fraîchement semée. Avec l'aide des paysans, elle construit alors un barrage afin d'endiguer les flots. A la saison des pluies, la mer monte et le barrage s'effondre. La mère, ruinée, se laisse mourir. Cependant Suzanne et Joseph refusent cette lente agonie, ils ont soif de liberté. La rencontre de Suzanne et de Monsieur Jo, fils d'un homme riche, semble constituer une promesse d'avenir. ElIe ne sera qu'une promesse illusoire. La mort seule mettra un terme au désespoir et à l'impuissance.


Un récit de jeunesse


"Un barrage contre le Pacifique"  est un roman de I'après guerre. Il a été écrit en 1950 et s'inspire du roman moderne américain. Troisième ouvrage de Marguerite Duras, c'est un récit encore traditionnel. Les descriptions, les personnages y conservent une grande place. Cependant l'évocation du passé colonial et des rapports entre colonisateurs et colonisés tend à s'estomper pour laisser la place à une sorte d'irréalité que contredit le réalisme du détail. Le style de Marguerite Duras caractérise déjà le Barrage. Il est fait d'un mépris de la parole vaine, sa prose est dépouillée, hachée, travaillée comme un scénario. Les dialogues, étonnamment plats, sont porteurs d'une intensité violente. De même qu'en amorce apparaissent déjà les thèmes récurrents de I'oeuvre future : I'eau monstrueuse qui détruit, la relation amoureuse de la mère et du fils.

 

Marguerite Duras s'est également tournée vers le théâtre. Et surtout vers le cinéma : en 1960, révélation au festival de Cannes du film d'Alain Resnais dont elle a écrit le scénario, "Hiroshima mon amour".

 

Le style de Marguerite Duras est celui d'une "parole écrite". "J'écris, voilà. J'entends des mots. L'endroit se ferme, les voix s'affaiblissent, iI faut alors que je fasse très attention à ne pas perdre les mots".

 

Extraits :

 

"Le Barrage" est le récit assez exact de l'adolescence de l'auteur. Cet ouvrage se révèle essentiel à la lecture de ses oeuvres ultérieures.

 

La perte des iIIusions


Alors elle dut se rendre à la réalité : sa concession était incultivable. Elle était annuellement envahie par la mer. II est vrai que la mer ne montait pas toujours à la même hauteur chaque année. Mais elle montait toujours suffisamment pour brûler tout, directement ou par infiltration. Exception faite des cinq hectares qui donnaient sur la piste, et au milieu desquels elle avait fait bâtir son bungalow, elle avait jeté ses économies de dix ans dans les vagues du Pacifique.


                      ***


Les fausses notes


- C'est drôle qu'il aime tellement ce phono, disait la mère. Quelquefois elle regrettait de l'avoir emmené à la concession parce que la musique surtout, donnait à Joseph l'envie de tout plaquer. Suzanne ne partageait pas ce point de vue, elle ne croyait pas que le phono était mauvais pour Joseph. Et lorsqu'il avait fait jouer tous ses disques et qu'il déclarait invariablement : "Je me demande ce qu'on fout dans ce bled", elle l'approuvait pleinement, même si la mère gueulait.


                      ***


La tentation


-Je les ai apportés, dit M. Jo avec calme.
Suzanne sursauta.
- Quoi ? les diamants ?
- Les diamants. Vous pouvez choisir, vous pouvez toujours choisir, on ne sait jamais. Elle le regarda sceptique. Mais déjà il avait sorti de sa poche un petit paquet entouré de papier de soie et il le dépliait lentement. Trois papiers de soie tombèrent à terre. Trois bagues s'étalèrent dans le creux de sa main.


                      ***


La vie, la mort, sans concessions


Les enfants retournaient simplement à la terre comme les mangues sauvages des hauteurs, comme les petits singes de l'embouchure du rac. lls mouraient surtout du choléra que donne la mangue verte, mais personne dans la plaine ne semblait le savoir. Chaque année, à la saison des mangues, on en voyait, perchés sur les branches, ou sous l'arbre, qui attendaient, affamés, et les jours qui suivaient, il en mourait en plus grand nombre.

 

 

Marguerite DURAS, dans sa maison de Neauphle-le-Château : elle évoque avec passion ces lieux, maisons, pays où elle a vécu, écrit, tourné des films comme "Nathalie Granger", où ont habité toutes les femme de ses livres. Cette maison est "le lieu du monde où elle a le plus habité". Elle insiste sur la place de ses femmes dans cette maison où elles commencent par se taire, comme les sorcières au Moyen-Age. Les parcs et les forêts, aussi, sont présents dans ses livres, dans ses films.

 

 

 

 

 

 

Dans cette deuxième partie, Marguerite DURAS se souvient de l'Indochine de son enfance à travers des photos et des films comme "India Song" et "La femme du Gange". Elle évoque la vie de sa mère, ses origines familiales dans le Nord puis le départ en Indochine. D'abord institutrice, sa mère achète ensuite une concession. Ruinée, désespérée quand le Pacifique est monté, elle devient folle.

 

 

 


 


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5 septembre 2010 7 05 /09 /septembre /2010 08:27

 

Dans "L'Homme révolté", alchimie subtile de philosophie et d'histoire, Camus, après avoir constaté l'absurdité du destin de l'homme, donne pour solution à ce problème la révolte, qui prouve notre existence même.

 

En écrivant cet essai, Camus a voulu <<dire la vérité sans cesser d' être généreux >>. Sa vérité et sa générosité ne furent cependant pas du goût de tout le monde, puisqu' à cause de la teneur de ce livre, il se brouilla avec un bon nombre de ses relations de Saint-Germain-des- Prés, notamment avec Sartre, et rompit avec les existentialistes.

 

Chasse aux bêtises et aux contradictions


http://ecx.images-amazon.com/images/I/41ST2HWQ9QL._SL500_AA300_.jpgLa nécessité de se révolter est pour Camus << la première évidence >>.  Elle est << un lieu commun, qui fonde sur tous les hommes la première valeur >>. Et il conclut l'introduction de son essai par << Je me révolte, donc nous sommes >>. Mais contre quoi se révolter ? Contre le malheur, contre l'espérance qui fuit, contre le mal vivre, contre le bonheur qui se fait chimère. Liberté, mort, suicide, folie - qu' est-ce que la folie ? -, solitude, que l'on cherche, que l'on évite, que l'on punit, qui culpabilisent ou rendent puissant d 'une manière ou d' une autre : tout - ou presque - ce qui fait l'homme, tout ce qui peut le faire à I'avenir est passé en revue. Les fils de Caïn, les anciens Grecs, le marquis de Sade, leurs démarches face à la vie et à ses impératifs ou à ses caprices, sont, si l'on peut dire, psychanalysés. Les problèmes religieux sont, bien sûr, abordés (mais Camus se refuse à entrer dans aucune sorte de guerre de religion). Nietzche et le nihilisme leur sont opposés. Et puis l' on passe de la révolte à la révolution. Après avoir mis en évidence bien des absurdités, Camus observe que la révolution, recherche collective de la liberté et de l'égalité, déclenche la Terreur.


Quelle contradiction ! Une après tant d'autres... Les titres des chapitres suivants donnent à eux seuls une idée de la suite : << L'abandon de la vertu >>, <<Les meurtriers délicats >>, << Le royaume des fins >>. L'ouvrage se termine sur un constat modérément optimiste, qui peut se résumer par cette phrase : <<Il y a donc, pour l'homme, une action possible au niveau moyen qui est le sien. >>


L'envie de bien vivre


<<Camus disait que le seul rôle véritable de l'homme, né  dans un monde absurde, était de vivre, d'avoir conscience de sa vie, de sa révolte, de sa liberté>> :  c'est ainsi que Faulkner a jugé l'auteur de "L'Homme révolté". Et cet essai est révélateur de la formidable envie de l'écrivain de vivre en accord avec lui-même et avec les autres. Une envie que nous avons tous à un degré ou à un autre.

 

On rattache souvent Camus au mouvement existentialiste, simplement parce qu' ils étaient contemporains.
Mais son oeuvre, "L'Homme révolté" en particulier, révèle de profondes différences.

 

Extraits :

 

De I'envie à I'institution


Heathcliff, dans "Les Hauts de Hurlevent", tuerait la terre entière pour posséder Cathie, mais il n' aurait pas l'idée de dire que ce meurtre est raisonnable ou justifié par un système. Il l' accomplirait, là s'arrête toute sa croyance. Cela suppose la force de l'amour et le caractère. La force d' amour étant rare, le meurtre reste exceptionnel et garde son air d' effraction. Mais à partir du moment où, faute de caractère, on court se donner une doctrine, dès l' instant où le crime se raisonne, il prolifère comme la raison elle-même, il prend toutes les figures du syllogisme. Il était solitaire comme le cri, le voilà universel comme la science. Hier jugé, il fait la loi aujourd'hui.


                                  ***


De la difficulté de secouer son joug


La révolte de Spartacus illustre constamment ce principe de revendication. L' armée servile libère les esclaves et leur livre immédiatement en servitude leurs anciens maîtres. Selon une tradition, douteuse, il est vrai, elle aurait même organisé des combats de gladiateurs entre plusieurs centaines de citoyens romains et installé sur les gradins des esclaves délirant de joie et d' excitation. Mais tuer des hommes ne mène à rien qu' à en tuer plus encore. Pour faire triompher un principe, c' est un principe qu' il faut abattre. La cité du soleil dont rêvait Spartacus n' aurait pu s' élever que sur les ruines de la Rome éternelle, de ses dieux et ses institutions. L' armée de Spartacus marche en effet, pour l' investir, vers Rome épouvantée d'avoir à payer ses crimes. Pourtant, à ce moment décisif, en vue des murailles sacrées, l' armée s' immobilise et reflue, comme si elle reculait devant ses principes, l' institution, la cité des dieux.


Celle-ci détruite, que mettre à sa place, hors ce désir sauvage de justice, cet amour blessé et furieux qui a tenu jusque-là ces malheureux ? Dans tous les cas, l'armée fait retraite, sans avoir combattu, et décide alors par un curieux mouvement, de revenir au !ieu d' origine des révoltes serviles, de refaire en sens inverse le long chemin de ses victoires et de rentrer en Sicile. (...) Alors commencent la défaite et le martyre. Avant la dernière bataille, Spartacus fait mettre en croix un citoyen romain pour renseigner ses hommes sur le sort qui les attend. (...) Spartacus mourra, comme il l' a voulu, mais sous les coups des mercenaires, esclaves comme lui, et qui tuent leur liberté avec la sienne. Pour l' unique citoyen crucifié, Crassus suppliciera des milliers d' esclaves. Les six mille croix qui, après tant de justes révoltes, jalonneront la route de Capoue à Rome, démontreront à la foule servile qu' il n'y a pas d' équivalence dans le monde de la puissance, et que les maîtres calculent avec usure le prix de leur propre sang.

 

Gallimard  1942

 

 

Albert Camus a publié "L'Homme révolté" en 1951,entre "Les Justes" (1950) et "Le Mythe de Sisyphe" (1953).


<<De L' Étranger à La Chute, Albert Camus n'a cessé de poser le problème de la misère humaine, c'est-à-dire de la solitude. Et si l' appel à la solidarité retentit avec tant de force dans La Peste et dans L'Homme révolté, c' est parce que l' auteur a mesuré le fossé qui séparait les hommes. >>

 

-P. Lécollier, Encylopaedia Universalis, 1968
 
<<Camus a toujours eu le goût des bilans, des mises au point : il ne lui suffit pas de vivre, il lui faut encore savoir comment et pourquoi il vit. En ce sens, son oeuvre est constamment aux limites de la métaphysique et de la morale sans s'y installer jamais. L'absurde et la révolte sont chez lui contemporains. Du jour où il s'interroge sur le sens de son existence, le sentiment de l'absurde est né, mais aussi la révolte, qui s'insurge contre le non-sens. Malade, il se découvre mortel, mais de tout son pouvoir de vivre, il proteste contre la menace : il entend guérir. Guérit-on jamais ? Toute sa vie ne sera qu'un long combat entre les forces de vie et les forces de mort, entre la fatigue et la volonté de créer, entre la flamme et la cendre. >>

 

-Roger Quilliot, L' Homme révolté, Commentaires, Gallimard, 1967

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25 août 2010 3 25 /08 /août /2010 12:02

 

A Alger, un homme tue un Arabe sans aucun motif. La société le juge et le condamne à mort. EIle s'acharne sur sa passivité, son indifférence.

 

"L'Étranger" marque l'incompréhension mutuelle du monde et du narrateur, Meursault. Situation  absurde qui mène à la mort, à une condamnation réciproque.

 

De l'indifférence à la tragédie


Meursault est un homme calme, indifférent, un homme qui vit en détail. Il travaille dans un bureau,

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41L98uuYhnL._SL500_AA300_.jpgdéjeune tous les jours chez Céleste et peut passer un dimanche entier à regarder par la fenêtre la vie tranquille d'Alger, il ne participe à rien. II écoute. Il répond, et c'est tout. Sa mère meurt à I'hospice. II assiste à I'enterrement. Le lendemain, il rencontre Marie avec laquelle il se baigne et fait I'amour. Raymond, son voisin, les invite à pique-niquer sur une plage avec un autre couple. Trois Arabes cherchent à régler un compte avec Raymond. Bagarre. L'un d'eux est surpris solitairement par Meursault. II sort un couteau. La lame brille au soleil. Meursault, qui a par hasard sur lui le revolver de Raymond, tire, aveuglé par la lumière : "Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur."


Le procès de l'indifférence


Arrêté, Meursault est pris dans les rouages de la machine judiciaire, II s'habitue à la solitude de la prison. II raconte le meurtre. II ne se sent pas criminel. Chez le juge, son indifférence agace : "J'ai répondu cependant que j'avais un peu perdu I'habitude de m'interroger et qu'il m'était difficile de le renseigner." On le traite "d'Antéchrist". Son attitude le condamne devant le tribunal. II y assiste en observateur : "Dans un sens,
cela m'intéressait de voir un procès." Le procureur I'accuse de sa froideur pendant la veillée mortuaire de sa mère, d'avoir eu une liaison le lendemain de I'enterrement, d'aller au cinéma et de rire avec sa jeune maîtresse, Meursault est "un monstre moral". II est condamné à mort. En attendant I'exécution, iI cherche à n'en être pas trop obsédé. Dieu lui paraît  "une question sans importance". II ne retrouve le calme qu'après la sortie de I'aumônier découragé. Enfin, dans la révolte silencieuse,  il reconnaît le bonheur : "J'ai senti que j'avais été heureux et que je l'étais encore
."

 

Extraits :

 

Meursault accepte avec indifférence d'épouser Marie


Le soir, Marie est venue me chercher et m'a demandé si je voulais me marier avec elle. J'ai dit que cela m'était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait. Elle a voulu savoir alors si je l'aimais. J'ai répondu comme je l'avais déjà fait une fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l'aimais pas. "Pourquoi m'épouser alors ?" a-t-elle dit. Je lui ai expliqué que cela n'avait aucune importance et que si
elle le désirait, nous pouvions nous marier. D'ailleurs, c'était elle qui le demandait et moi je me contentais de dire oui. Elle a observé alors que le mariage était une chose grave. J'ai répondu : "Non." Elle s'est tue un moment et elle m'a regardé en silence. Puis elle a parlé. Elle voulait simplement savoir si j'aurais accepté la même proposition venant d'une autre femme, à qui je serais attaché de la même façon. J'ai dit : "Naturellement." Elle s'est demandé alors si elle m'aimait et moi, je ne pouvais rien savoir sur ce point. Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j'étais bizarre, qu'elle m'aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons. Comme je me taisais, n'ayant rien à ajouter, elle m'a pris le bras en souriant et elle a déclaré qu'elle voulait se marier avec moi. J'ai  répondu que nous le ferions dès qu'elle le voudrait. Je lui ai parlé alors de la proposition du patron et Marie m'a dit qu'elle aimerait connaître Paris. Je lui appris que j'y avais vécu dans un temps et elle m'a demandé comment c'était. Je lui ai dit : "C'est sale. II y a des pigeons et des cours noires. Les gens ont la peau blanche."


                 ****


Meursault assiste en observateur à son procès


Moi j'écoutais et j'entendais qu'on me jugeait intelligent. Mais je ne comprenais pas bien comment les qualités d'un homme ordinaire pouvaient devenir des charges écrasantes contre un coupable. Du moins, c'était cela qui me frappait et je n'ai plus écouté le procureur jusqu'au moment où je l'ai entendu dire :
"A-t-il seulement exprimé des regrets ? Jamais, messieurs. Pas une seule fois au cours de l'instruction cet homme n'a paru ému de son abominable forfait."

A ce moment. il s'est tourné vers moi et m'a désigné du doigt en continuant de m'accabler sans qu'en réalité je comprenne bien pourquoi. Sans doute, je ne pouvais m'empêcher de reconnaître qu'il avait raison. Je ne regrettais pas beaucoup mon acte. Mais tant  d'acharnement m' étonnait. J'aurais voulu essayer de lui expliquer cordialement, presque avec affection, que je n'avais jamais pu regretter vraiment quelque chose. J'étais toujours pris par ce qui allait arriver, par aujourd'hui ou par demain. Mais naturellement, dans l'état où l'on m' avait mis, je ne pouvais parler à personne sur ce ton. Je n' avais pas le droit de me montrer affectueux, d' avoir de la bonne volonté. Et j' ai essayé d'écouter encore parce que le procureur s'est mis à parler de mon âme.


NOTES :

 

L'immense succès de L'Étranger dès sa parution en 1942 n'est pas un hasard. Meursault est étranger au monde, aux autres, à lui-même ; sentiment qui se retrouve dans toute une littérature née de la guerre. Bien qu'issu de la pensée de l'absurde que développera Camus dans "Le Mythe de Sisyphe", Meursault est avant tout un personnage, une présence qui ne prouve pas, qui éprouve. D'où l'extrême éloquence de ce roman dont le style concis, clair et sobre, vient coller intimement à son objet.


"L'absurde est à la fois un état de fait et la conscience lucide que certaines personnes prennent de cet état. (...) Qu'est-ce que l'absurde comme état de fait, comme donnée originelle ? Rien de moins que le rapport de l'homme au monde. (...) L'étranger qu'il  veut peindre, c'est justement un de ces terribles innocents qui font le scandale d'une société parce qu'ils n'acceptent pas les règles de son jeu. (...) L'Étranger sera donc un roman du décalage, du divorce, du dépaysement. De là la construction habile : d'une part le flux quotididien et amorphe de la réalité vécue, d'autre part la recomposition édifiante de cette réalité par la raison humaine et le discours."

 

- Jean-Paul Sartre, Explications de L'Étranger, NRF, 1949


"Camus a non seulement lutté contre la paresse de l'intelligence (son oeuvre est comme l'ivresse de la lucidité), il  s'est encore plus opposé à la paresse du coeur." - Jean Grenier

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Divers personnages....


DANTE


                                                                                                      Béatrice Portinari









Dante par Giotto








Première page de la Divine Comédie













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SOPHOCLE



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                                                                                                       Antigone




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Philotecte abandonné par les Grecs







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Sophocle  Bas relief en marbre









Sophocle




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Pythagore



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Le Banquet manuscrit sur papyrus.






Platon par Raphaël





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ARISTOTE





Aristote par Raphaël




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Aristote sur une fresque murale à Rome




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Alexandre à une bataille






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Alexandre combattant un lion







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Bronze - Alexandre









Buste d'Alexandre le Grand







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Alexandre et Aristote





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Enluminure "Chanson de Roland"










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Mort de Roland à Ronceveaux
















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Charlemagne et le Pape Adrien I






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Charlemagne et son fils Louis le Pieux






RUTEBOEUF

                            



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Ruteboeuf par Clément Marot

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